⛺ Des pratiques violentes, aussi chez les scouts ? #36
Grâce au lancement d'une enquête participative, l'équipe du média belge Médor a recueilli plus d'une centaine de témoignages faisant état des violences que subissent certains jeunes dans les mouvements scouts en Belgique.
Salut les Rembobineur⸱euses,
On vous l'annonçait la semaine dernière, Rembobine fait partie des lauréats, en collaboration avec le média d'investigation Disclose, de l'édition 2024 du Fonds pour une presse libre (FPL). Concrètement, ça va nous permettre de nous développer et de continuer à travailler pour faire de l'impact du journalisme une question centrale. Si on vous en reparle, on vous promet que ce n'est pas parce qu'on a les chevilles qui enflent, mais bien parce que ce soir, le FPL organise une soirée de présentation des lauréats à La Fab, dans le 13e arrondissement de Paris, à partir de 19h. Timothée sera présent, donc n'hésitez pas à passer une tête si vous êtes dans les parages ! Et juste après, les 13 et 14 juin, Timothée et Cécile seront à Lille pour les 48h de la pige, l'un des incontournables rendez-vous annuels des journalistes indépendant⸱es. Là encore, n'hésitez pas à nous faire signe si vous êtes dans le coin.
Sur ce, place à l'enquête de la semaine. En quelques mots, ça parle de Belgique, de violences ordinaires dans les camps scouts, de témoignages qui font se hérisser les poils, et du rôle des citoyen⸱nes dans les enquêtes journalistiques. C'est signé Médor, un média belge indépendant encore trop peu connu de notre côté de la frontière, dont on espère que le travail vous intéressera autant que nous.
Bon rembobinage !
Simon, Timothée & Cécile
Rembobine est un jeune projet indépendant. Il ne vit que grâce à vos partages et vos retours. Né d'ateliers d'éducation aux médias où l'on disait « les journalistes en font des caisses sur un sujet, et la semaine d'après, on n'en parle plus », il tente de montrer que le journalisme peut avoir de l'impact sur la société. N'hésitez pas à partager ce mail à vos ami·es, vous êtes les meilleur·es ambassadeur·drices 💌
⏳ Comprendre l'enquête en 30 secondes
→ Grâce à une enquête participative, le média belge Médor a recueilli plus d'une centaine de témoignages faisant état des violences que subissent certains jeunes dans les mouvements scouts en Belgique.
→ Ces violences sont de différents ordres, parmi lesquelles des injures racistes, grossophobes ou validistes, des humiliations et coups physiques.
→ La situation est connue des fédérations de scouts du pays, mais le sujet continue à rester tabou, ce qui s'explique notamment par la place particulièrement importante qui est accordée au scoutisme en Belgique.
💥 Et son impact en encore moins de temps !
→ L'enquête de Médor a permis de faire des violences ordinaires au sein des mouvements scouts un sujet d'intérêt public, qui a été repris dans de nombreux médias.
→ À la suite de l'enquête, certaines fédérations de scouts ont adapté leurs pratiques et ont travaillé à ouvrir le dialogue sur le sujet.
L'enquête : Les violences au sein des camps scouts, simples « faits divers » ?
Septembre 2022. Tout démarre par un message adressé par un père de famille à la rédaction du média belge Médor. Papa d'un jeune scout, ce dernier s'inquiète des « pratiques d'un autre temps » que son fils, de retour d'un camp, lui a raconté.
Débute alors une enquête de neuf mois menée par trois journalistes de Médor, Olivier Bailly, Céline Gautier et Louis Van Ginneken. L'objectif : essayer de comprendre si, en Belgique, les jeunes qui participent aux mouvements scouts peuvent, ou non, être exposés à des faits de violence ordinaire.
Pour mener leur enquête sur ce sujet très peu traité – les violences dans les camps scouts étant jusqu'alors surtout médiatisés via le biais des « faits divers » –, l'équipe de Médor met en place un dispositif singulier, fondé sur le journalisme participatif. Concrètement, en parallèle du dialogue que le média engage avec les principales fédérations de scoutisme du pays – qui confirment d'ailleurs le problème –, Médor ouvre un mur de témoignages appelant les victimes, témoins ou auteurs de faits de violence au sein des mouvements de jeunesse à témoigner de leur expérience.
Au total, le média récolte plus de 150 témoignages, qui concernent des faits récents, mais aussi des faits qui remontent à plusieurs années voire à plusieurs décennies. Des jeunes scouts forcés de manger les restes des repas de scouts plus âgés, aux insultes homophobes, racistes ou grossophobes, jusqu'aux coups et humiliations physiques, les témoignages font état de pratiques d'humiliations et d'exclusion répétées au sein des mouvements scouts, le plus souvent commises en groupe et en public.
Des témoignages qui, s'ils ont parfois été mal accueillis dans un pays particulièrement attaché au scoutisme, permettent pourtant de prendre la mesure des abus de pouvoir et faits de violence inhérents aux mouvements de jeunesse belge.
💥 En quête d'impact
Un an après la publication de l'enquête de Médor, des mesures ont-elles été mises en oeuvre pour mieux protéger les jeunes scouts ? Les médias et politiques belges se sont-iels emparé·es du sujet ? Les victimes de violences ont-elles saisi la justice ?
Rembobine vous propose de découvrir l'impact de l'enquête, d'après une méthodologie inspirée du média d'investigation Disclose et de son rapport d'impact. Rendez-vous sur le site pour comprendre ce qui peut être inclus dans ce tableau.
→ La publication de l'enquête de Médor n'a pas suscité de réaction officielle, ni suscité de proposition de loi particulière, d'après Louis Van Ginneken.
→ Grâce à l'enquête de Médor, le sujet des violences ordinaires au sein du scoutisme a été « imposé à l'agenda médiatique et sociétal », se réjouit Louis Van Ginneken.
→ A la suite de l'appel à témoignages lancé par Médor, le média flamand Apache a lancé un appel similaire en Flandres.
→ A plusieurs reprises, la RTBF a invité les journalistes à l'origine de l'enquête pour en parler.
→ Le Soir, quotidien national belge, a fait état de l'enquête de Médor quelques mois après sa publication. Près d'un an après, en avril 2024, le quotidien est à nouveau revenu sur l'enquête de Médor, appelant à repenser les cérémonies rituelles (« totémisation ») au sein des scouts pour qu'elles cessent d'être le théâtre de violences à l'encontre de certains jeunes scouts.
→ Lors de la publication de l'article de synthèse de l'enquête, une soirée d'échange a été organisée, notamment en présence des fédérations de scoutisme. Lors de cette soirée, l'ancienne présidente d'une des fédérations de scouts a confié avoir elle-même vécu une « totémisation » violente.
→ Au long cours, l'impact de l'enquête sur l'opinion public a été « assez ambivalent », explique Louis Van Ginneken : si l'enquête a suscité une levée de boucliers face à des personnes qui refusaient « que le scoutisme soit attaqué », elle a également permis d'ouvrir la parole au sein des camps scouts. « On a eu plusieurs témoignages nous expliquant que l'enquête a été l’opportunité de démarrer une discussion sur le sujet », précise Louis Van Ginneken.
→ Si des dispositifs de prévention des violences et des outils de formation existaient déjà auparavant au sein des fédérations de scouts, ces dernières communiquent plus clairement sur ces questions depuis la parution de l'enquête. La fédération des Scouts a par exemple installé, sur la page d'accueil de son site, un renvoi vers une boîte à outils intitulée « Scout place, safe place » qui permet de créer un cadre bienveillant en camps scout. A la suite de l'enquête de Médor, la publication de cette boîte à outils, qui devait avoir lieu en septembre 2023, avait d'ailleurs été avancée à juin 2023, de façon à être accessible à tou· tes avant les camps d'été.
→ En octobre 2023, la fédération des Scouts et guides pluralistes a invité Médor à son sommet bi-annuel, afin de repenser les grandes lignes du mouvement. « C'était un moment assez génial, témoigne Louis Van Ginneken. La fédération, même si elle s'était sentie attaquée au moment de l'enquête, a tenu à ce qu'on soit présent pour discuter avec les jeunes de la frontière entre tradition et violence. C'était un moment d'échange constructif, duquel je suis rentré plein d'espoir. »
→ Parmi les faits de violences dont font état les témoignages recueillis par Médor, « dans de rares cas, les faits rapportés pourraient être mis entre les mains d’avocats », explique le média. A ce jour, Louis Van Ginneken ne sait pas si certaines victimes ont porté plainte.
→ De leur côté, les journalistes de Médor n'ont pas été inquiétés suite à la publication de ces témoignages. « En anonymisant les personnes et les unités, on s'était assuré d'être protégés, explique Louis Van Ginneken. L'enjeu n'a jamais été de devenir un tribunal médiatique, mais d'être un espace d'expression sur un thème donné », poursuit-il.
Les coulisses de l'enquête 🕵️♀️
Louis Van Ginneken est l'un des trois journalistes de Médor qui a coordonné l'enquête « Scout toujours ? ». Pour Rembobine, il revient sur la place du scoutisme en Belgique, l'importance de créer des espaces où victimes et auteurs puissent témoigner, et le rôle des enquêtes participatives pour faire émerger des récits peu entendus.
Pour lire l'interview 👇
Comment mieux suivre le sujet ? 🧰
Ce n'est pas la première fois que le scoutisme est au coeur d'accusations de violences. En 2020, dans le cadre d’un vaste scandale qui a éclaté après des plaintes pour violences sexuelles sur mineurs qui auraient eu lieu pendant plusieurs décennies, les Boy Scouts of America (BSA) avait été condamné à verser plus de 850 millions de dollars à des dizaines de milliers de victimes. Un documentaire poignant, "Paroles de scouts" est disponible sur Netflix.
Enfin, pour celles et ceux qui s'intéressent aux enquêtes participatives, difficile de ne pas vous renvoyer vers Médiacités. Média en ligne d'enquête et de décryptage consacré aux métropoles françaises, ce dernier propose régulièrement à ses lecteurs de témoigner sur une grande diversité de sujets, ce qui donne lieu à des enquêtes collaboratives passionnantes, autant sur le tabou des vols à l'hôpital que sur la façon de se nourrir en ville.
Lecteur·ices, citoyen·nes...Vous avez le pouvoir de renforcer l'impact du travail des journalistes !
1. Discuter de l'article avec votre entourage, partagez-le ainsi que l'étude de son impact par Rembobine pour sensibiliser aux violences dans les camps scouts.
2. Abonnez-vous à Médor et apportez votre contribution à Médor.
3. Contactez-nous si vous souhaitez être mis en relation avec des journalistes pour témoigner, en Belgique, en France ou ailleurs.
4. Contactez votre député·e ou votre sénateur·rice reste l'un des moyens les plus efficaces de faire changer les choses !
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