Le rapport d’impact, un levier de monétisation et de fidélisation

Le rapport d’impact s’impose comme un puissant outil pour démontrer la valeur concrète du journalisme. En soulignant les effets tangibles de vos enquêtes, il renforce la crédibilité de votre média, séduit les financeurs et fidélise durablement vos lecteurs.

Timothée Vinchon Arno Soheil Pedram

Aujourd’hui, alors que chaque média cherche à se distinguer dans un paysage informationnel saturé, le rapport d’impact s’impose comme un outil stratégique à la fois pour justifier son utilité sociale, fidéliser son public et répondre aux exigences de leurs financeur·euses. Plus qu’une simple liste de faits, ce document retrace la portée concrète des enquêtes publiées : changements institutionnels, effets sur le débat public ou encore évolutions législatives. Il illustre ainsi la dimension transformatrice du travail journalistique, offrant une transparence bienvenue et renforçant la confiance des lecteurs et des partenaires.

Une des utilités essentielles de la quantification de l’impact, c’est son usage auprès des financeur·euses des médias, friands de ce concept et notamment des rapports d’impact. Habituellement publié en fin d’année, le rapport d’impact coïncide avec les périodes de bilans d’activité annuels mais surtout des campagnes de levée de fonds qui se déroulent habituellement à cette période. Mais au-delà des donateurs, le rapport est utile aussi pour les financeurs institutionnels. « Lorsque nous présentons nos projets pour obtenir des financements et rendons nos résultats auprès de bailleurs de fonds, nous leur parlons toujours d'impact, et ils adorent ça », explique à Rembobine Lucy Nash, chargée de l’impact pour The Bureau for Investigative Journalism. « Les bailleurs de fonds aiment l'impact parce qu'il ne s'agit pas seulement de journalisme pour le journalisme, mais de journalisme qui joue un rôle dans la société. » 

Si il n’y a quasiment pas de journalistes chargé·es de l’impact en France, les rapports d’impact, eux, sont plus communs. Disclose, StreetPress, Mediacités, sont quelques exemples de médias français qui ont progressivement formalisé leur impact sous forme de rapports annuels. A l’étranger, ils sont pléthore : ProPublica, The Marshall Project, le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ),... rapports annuels, trimestriels, la pratique est plus que répandue. 

Comment les présenter ? Quoi y mettre ?

Les rapports recensent les différents impacts sur une période donnée, habituellement annuelle. La présentation du rapport suit souvent la catégorie soit par thématique des enquêtes (justice, environnement,...) ou d’impact (juridique, institutionnelle, sociale ou médiatique). Si vous avez oublié les classifications possibles de l’impact, vous pouvez relire article sur le sujet.

Comment classer les retombées d’une enquête pour mieux mesurer son impact
Mesurer l’impact d’une enquête est un enjeu central pour les médias, mais quelle approche choisir pour suivre, mesurer et classer ses conséquences ? Tour d’horizon des pratiques des médias les plus avancés sur la question en France et à l’étranger.

Pour le réaliser, une personne centralise les impacts de la période donnée, soit en regardant un tableau qui comptabilise les impacts au fil de l’année, soit ad hoc, par le biais d’une réunion, en demandant aux collègues quels impacts les ont marqués. Parfois, le rapport est accompagné d’un éditorial expliquant la démarche du média sur la période. 

Extrait du rapport d’impact Mai-Août 2024 de ProPublica
Extrait du rapport d’impact Mai-Août 2024 de ProPublica

Le rapport présente une synthèse des impacts les plus probants de l’année, rappelle les éléments de l’enquête, et explique le ou les impacts qu’elle a généré. Ainsi ProPublica, un média d’enquête états-unien, va raconter les deux ou trois grands impacts de chaque grand sujet (enfance, justice, politique, éducation, logement, travail, environnement santé) dans un grand rapport en PDF. The Marshall Project, média spécialisé sur les prisons aux Etats-Unis, va lui présenter cela presque comme un petit journal revenant sur les impacts de la saison.

Extrait du rapport d’impact d’automne 2024 de The Marshall Project

Concrètement, un rapport d’impact peut prendre diverses formes – du PDF téléchargeable riche en données, graphiques et témoignages, à l’article web plus narratif, en passant par une newsletter synthétique – le choix dépendra en grande partie de votre public cible, votre but et de la capacité du média. Ainsi, Streetpress qui produisait des rapports sous forme d’articles jusqu’à cette année, les publie maintenant sous forme de PDF plus complets. 

Les financeurs institutionnels préféreront sans doute ce type de document complet et structuré, avec des indicateurs quantifiable, là où des donateurs individuels préféreront des exemples concrets, illustrés par des histoires fortes et faciles à partager. 

Au-delà du profit, un devoir journalistique ?

Pour Nicolas Barriquand, directeur de publication de Mediacités, un média d’enquête entre quatres villes, les rapports d’impact ne sont pas tant une source de financement. Le rapport d’impact annuel « répond à une demande des lecteurs qui disent ‘oui mais quelles sont les conséquences de vos papiers ?’ » explique-t-il. Mediacités repose en majorité sur ses abonnements, et non pas les fondations. Les rapports se dirigent donc vers leurs lecteur·ices. « C'est aussi un peu une question de responsabilité du média de faire comprendre que les conséquences de nos révélations, de ce qu'on publie, nous intéressent et il est aussi de notre responsabilité de les médiatiser »

Extrait du rapport d’impact 2024 de Mediacités Lille

Un outil de fidélisation et de différenciation

Au-delà de la quête de financement, publier un rapport d’impact peut être un vrai outil pour créer une communauté de lecteur·ices engagés. Ceux-ci, en voyant les conséquences concrètes du travail journalistique, peuvent se sentir davantage investi·es dans le média, renforçant ainsi leur engagement et potentiellement leur taux d’abonnement, leurs dons ou leur participation bénévole. Dans un environnement médiatique saturé, la différenciation par l’impact – plutôt que par le sensationnalisme – instaure une relation de confiance durable. Le média n’est plus seulement un émetteur de nouvelles, il devient un acteur du changement. 

Les rapports d’impact agissent aussi comme un pont entre le média et les multiples parties prenantes : lectorat, financeur·euses, sources, organisations de la société civile. En démontrant la concrétisation du travail journalistique, ils permettent parfois de tisser des partenariats plus solides avec des ONG, de susciter l’implication d’associations, d’inciter des lanceur·euses d’alerte à faire confiance au média. 

👊 L'impact en rédac

Timothée Vinchon Twitter

Rédacteur et cofondateur de Rembobine - Journaliste indépendant - Formateur en éducation populaire aux médias

Arno Soheil Pedram

Journaliste chargé de la réflexion autour de la mesure d'impact pour Disclose et Rembobine