Sainte-Soline : l'impact d'une journée historique

Sainte-Soline : l'impact d'une journée historique

25 mars 2023. Celles et ceux qui étaient à Sainte-Soline ne sont pas prêts d'oublier cette date, d'une importance capitale dans l'histoire des luttes sociales et écologistes du pays. Ce jour-là, alors que des milliers de manifestants se réunissent dans les Deux-Sèvres pour protester contre un projet de méga-bassine, la réponse policière qui leur est apportée est d'une violence sans commune mesure. Le journal L'Humanité, qui en fait sa Une dès le lundi 27 mars, parle d'une « répression inouïe et systématique ». Un an après, les événements de Sainte-Soline sont loin d'appartenir au passé...

⏪ Retour sur les événements du 25 mars 2023

On rembobine. En mars 2023, un mouvement de mobilisation contre les projets de méga-bassines, qui essaiment à travers la France prend de l'ampleur. Ces gigantesques réservoirs d'eau sont accusés par leurs détracteurs de privatiser une ressource commune au profit d'une agriculture intensive et productiviste. A Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, un projet de méga-bassine cristallise particulièrement les tensions.

À l'initiative des Soulèvements de la terre, de la Confédération paysanne et de « Bassines non merci ! », une manifestation d'ampleur est organisée le 25 mars sur le futur site de la méga-bassine. Interdite par la préfecture, la manifestation est néanmoins rejointe par 30 000 personnes selon les organisateurs, 6 000 selon les chiffres de la police. Sur place, le dispositif déployé par les forces de l'ordre est sans précédent : 3200 gendarmes sont mobilisés, ainsi que des blindés, des hélicoptères et des quads.

Violences d’État : à Sainte-Soline, la fuite en avant - L’Humanité
Dans les Deux-Sèvres, samedi 25 mars, des dizaines de milliers d’opposants aux méga-bassines ont bravé l’interdiction de manifester. De violents heurts ont fait de nombreux blessés,…

Au fur et à mesure de la journée, des vidéos circulent sur les réseaux sociaux. Déferlent sur les écrans des images de manifestants blessés, d'autres de policiers en quads, les internautes ne sachant trop s'il faut en rire ou en pleurer.

Les violences policières pointées du doigt

Rapidement, les discours des manifestants présents s'opposent à ceux des forces de l'ordre et du gouvernement, qui défendent leur version des faits. Pourtant, dès les semaines qui suivent Sainte-Soline, différents documents viennent mettre à mal le discours officiel. En avril, un reportage de « Complément d'enquête » contredit la chronologie officielle sur les violences qui ont eu lieu à Sainte-Soline, quand une enquête du Monde révèle plusieurs tirs non réglementaires au lance-grenade Cougar, par des gendarmes, pendant la journée du 25 mars. Quelques mois plus tard, la Ligue des droits de l'homme (LDH), conclut, elle, à un usage « disproportionné » des armes et parle de « volonté délibérée de ne pas porter secours » aux blessés. Pour rappel, les organisateurs dénombrent 200 blessés, dont 40 « grièvement touchés », parmi lesquels Mickaël B. et Serge D-G.

Complément d’enquête Manifs : la guerre est déclarée ?
Le mouvement social contre la réforme des retraites s’enflamme. Les manifestations s’enchaînent et la violence explose. Pendant des décennies, le “maintien de l’ordre à la française” était considéré un modèle. Aujourd’hui il est pointé du doigt jusqu’à l’ONU. “Complément d’enquête” s’est rendu à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, théâtre d’une bataille qui a tourné au drame. Lors d’un rassemblement interdit contre les méga-bassines, plus de 3000 gendarmes sont intervenus pour arrêter des militants “venus pour faire la guerre” selon les mots du président de la République. Bilan : 47 fonctionnaires ont été touchés selon la Gendarmerie nationale. Côté manifestants, les organisateurs ont dénombré 200 blessés dont deux dans le coma. Désormais, chaque opération de maintien de l’ordre, ou presque, soulève son lot de questions et d’accusations.

Tout juste un an après, Sainte-Soline n'a pas disparu des esprits, au contraire. Les organisateurs ont orchestré ce lundi 25 mars 2024 des « méga-boums » devant les préfectures et annoncé déposer une « saisine collective de la Cour de justice de la République pour faux témoignage » à l'encontre de Gérald Darmanin. Un week-end de mobilisation (« Stop méga-bassines ») est également prévu les 20 et 21 juillet dans le Poitou à l'initiative des Soulèvements de la terre, dont la dissolution, demandée par Gérald Darmanin, avait été annulée par le Conseil d’État. La détermination des opposants aux mégabassines ne semble donc pas faiblir, et ce alors même que trois d'entre eux ont été condamnés en janvier dernier à des peines de prison avec sursis pour l'organisation de manifestations interdites à Sainte-Soline et que les enquêtes qui concernent les blessés les plus graves sont toujours en cours.

🧰 Comment en savoir plus sur la manifestation de Sainte-Soline ?

Pour celles et ceux qui s'intéressent à la mobilisation du 25 mars 2023 à Sainte-Soline, Reporterre et Off Investigation viennent de sortir un documentaire qui lui est consacré. Intitulé « Sainte-Soline, autopsie d'un carnage », ce documentaire, en accès libre sur YouTube, retrace le déroulé de cette journée historique en donnant la parole à celles et ceux qui y étaient présents. A voir de toute urgence.

On vous recommande également chaudement l'ouvrage Avoir 20 ans à Sainte-Soline. Paru aux éditions de La Dispute, ce livre dresse notamment, à partir d’entretiens sociologiques, les portraits d’une douzaine de jeunes ayant participé à des degrés divers à la manifestation de Sainte-Soline. Une façon de « contribuer à produire un contre-récit détaillé et contextualisé de la mobilisation », décrypté dans un récent article de Mediapart.

Et si vous voulez continuer à creuser, on vous conseille d'aller regarder du côté des observatoires des libertés publiques et des violences policières. Coordonnées par la Ligue des droits de l'homme (LDH), ils s'attachent à documenter le déroulé des manifestations et à recenser les violences qui peuvent y être commises par les forces de l’ordre.

Cécile Massin

Cécile Massin

Rédactrice et cofondatrice de Rembobine - Journaliste indépendante
Paris