Mayotte, les grands moyens

Mayotte, les grands moyens


Le 24 avril 2023 débutait à Mayotte l’opération policière Wuambushu [reprise (en main) en mahorais, NDLR]. Les objectifs annoncés et très largement médiatisés du ministre de l'Intérieur : expulser les étrangers en situation irrégulière, détruire les bidonvilles et lutter contre la criminalité dans l'archipel. Près de 2000 policiers et gendarmes y ont participé. Une opération fortement contestée par les Comores comme par les associations de défense des droits humains.

Comment en est-on arrivé là ?


Mayotte fait face à une insécurité persistante depuis des années. La délinquance et la criminalité y ont fortement augmenté. Des événements violents, comme une embuscade contre un car scolaire en novembre 2022, ont attiré l'attention sur la situation sécuritaire de ce territoire. Gérald Darmanin, en visite sur l'île en 2022, avait promis des actions spectaculaires pour lutter contre cette insécurité.

Mayotte est aussi confrontée à un flux important d'immigration clandestine, principalement en provenance des Comores voisines. Cette immigration a entraîné une pression sur les infrastructures et les ressources de l'île, ainsi que des tensions sociales. En 2022, l'Insee indique que la population de Mayotte atteint 300 000 habitants, dont la moitié sont des étrangers. Les personnes sans titre de séjour représenteraient environ 30% de la population de l'île.

Pour bien comprendre le contexte du 101ème département français, le podcast Grand Reportage de France Culture est parfait.

Mayotte, d’infortunes en injustices
Mayotte, 101e département français (12 ans d’âge) attire les populations des Comores qui fuient la misère à bord de barques à moteur. Près de la moitié de la population de Mayotte est étrangère, les flux migratoires se sont intensifiés ces dernières années.

L'opération Wuambushu a-t-elle fonctionné ? 👀

« Il y aura eu grosso modo 1.250 [destructions] d’ici la fin de l’année », annonçait en juin 2023 le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer. L'objectif : détruire une partie des bangas [cases] insalubres organisés en bidonville, qui se sont multipliés à Mayotte et sont parfois menacés par des glissements de terrain. Ce ne seront finalement que 700 bangas qui seront détruits fin 2023, les forces de l'ordre se heurtant à la justice qui a bloqué des évacuations. Daniel Gros, représentant de la Ligue des droits humains (LDH) à Mayotte, explique que le département est freiné par un manque criant de solutions de relogement. Au total, « 30 % de l’habitat à Mayotte est informel ».

Côté immigration clandestine, on ne peut pas dire que l'effet ait été spectaculaire non plus. 22 000 personnes avaient été expulsées début décembre vers les Comores en 2023, des chiffres moins élevés que l’année précédente durant laquelle, selon le sous-préfet en charge de l’immigration illégale, Frédéric Sautron, « 25 380 personnes avaient été éloignées » du territoire. Des chiffres qui s'expliquent notamment par le manque de coopération des autorités comoriennes, selon l'État.

Comment mieux suivre ce qu'il se passe à Mayotte ? 🧰

Vous pouvez suivre la presse locale comme Mayotte Hebdo, Le Journal de Mayotte ou encore des journalistes indépendants qui couvrent régulièrement le territoire comme Grégoire Mérot, Cyril Castelliti ou Louis Witter. Ces derniers étaient d'ailleurs sur place au moment de l'opération et ont notamment fait une série d'articles pour Les Jours.

Opération Wuambushu
En plein dans l’archipel des Comores, c’est le 101e département français et celui dont on expulse le plus : Mayotte, plus de 310 000 habitants, dont la moitié n’aurait pas la nationalité française. C’est là que se déroule l’« opération Wuambushu », initiée par Gérald Darmanin. Une « opération d’ordre public » contre des « réseaux criminels », affirme le ministre de l’Intérieur, mais qui vise d’abord à déloger et à expulser massivement des sans-papiers. Depuis le bidonville de Kawéni, « Les Jours » témoignent.

En un coup d'œil, vous pouvez également découvrir la très belle série "Au pays imaginaire" que le photographe Marvin Bonheur a consacré à la jeunesse à Mayotte. Et puis quoi de mieux que de s'immerger dans des romans pour comprendre un endroit ? On a plusieurs livres à vous conseiller. Tropique de la violence de Natacha Appanah, une autrice mauricienne. Un livre qui traite de la violence au sein de la jeunesse mahoraise, et qui a été adapté en film en 2022. Aussi, le bouleversant Anguille sous roche de Ali Zamir. L'auteur comorien vous propose un récit poignant à travers la voix d'une jeune femme en train de se noyer dans l'Océan Indien.

Ça fait beaucoup de belles recommandations ? C'est normal, nous avons la chance d'avoir dans l'équipe de Rembobine une habituée de l'île : Cécile Massin, qui a écrit de nombreux articles, réalisé une série photo sur l'exil à Mayotte et même une lettre pour la Disparition que vous pouvez recevoir chez vous !

Lettre 2 - La disparition au prisme de l’exil - La Disparition
Mayotte, au milieu de l’océan Indien, constitue pour de nombreux migrants une porte d’entrée pour l’Hexagone et, plus largement, pour l’Europe. Aujourd’hui, près de la moitié des demandeurs d’asile sont originaires de l’Afrique des Grands Lacs (Rwanda, Burundi, République Démocratique du Congo). Dans cette lettre, la journaliste Cécile Massin leur donne la parole et interroge […]

Timothée Vinchon

Timothée Vinchon

Rédacteur et cofondateur de Rembobine - Journaliste indépendant - Formateur en éducation populaire aux médias
Marseille