Loi sur les dérives sectaires : que faire face aux gourous 2.0 ?

Les 9 et 10 mars 2023, les premières Assises de la lutte contre les dérives sectaires se tenaient. Que s'est-il passé depuis ?

Timothée Vinchon
Timothée Vinchon

Les 9 et 10 mars 2023, les premières Assises de la lutte contre les dérives sectaires se tenaient, avec l'ambition de « construire un plan d’action pluriannuel permettant d’adapter l’action de l’État ainsi que son arsenal juridique sur les dix prochaines années ». Elles réunissaient des acteurs étatiques et les associations impliquées sur ce sujet et sur celui de l’accompagnement des victimes. Un an plus tard, le projet de loi sur les dérives sectaires a été voté à l'Assemblée nationale. Mais l'un des articles a provoqué des débats houleux dans l'hémicycle : celui sur la création d'un délit de "provocation à l'abandon de soins", d'abord rejeté par les députés, puis modifié et voté.

Les dérives sectaires ont proliféré ces dernières années, notamment à la faveur du Covid-19. La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a enregistré une hausse inédite des signalements. En 2021, la Mission a reçu 4 020 saisines, soit 33,6 % de plus qu’en 2020, et 86,1 % de plus qu’en 2015.

⏩ Que propose la nouvelle loi sur les dérives sectaires ?

L'Assemblée nationale a approuvé, le 14 février 2024, le projet de loi portant sur les dérives sectaires. Deux nouveaux délits sont créés, notamment celui de "provocation à l'abandon de soins". Le cheminement législatif du texte a été chaotique. Après un avis mitigé du Conseil d’État, le Sénat avait supprimé quatre de ses sept articles en novembre dernier, avant que la commission des lois de l’Assemblée nationale ne décide la semaine dernière d’en rétablir deux.

L'article 4 est celui qui a cristallisé les débats. L’introduction d’un « délit de provocation à l’abandon de soins » permet notamment de mieux lutter contre la promotion de thérapies. Jusqu’ici, une des façons de condamner un pseudo-thérapeute était le délit d’exercice illégal de la médecine. Un délit difficile à caractériser et donc souvent inopérant. Avec cette nouvelle infraction pénale, on ne se soucie plus de la qualité de celui qui fait œuvre de thérapeute mais des effets de détournement de soins sur les victimes. Ce nouveau délit est puni d'un an d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende. Une peine qui peut aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende si "la provocation a été suivie d'effets".

Les Républicains, le Rassemblement National et La France insoumise étaient opposés à cet article, considérant qu'il représentait une menace pour "les libertés publiques" et pour les "lanceurs d'alerte", notamment lorsque ces derniers critiquent l'industrie pharmaceutique.

🧰 Comment mieux suivre le sujet ?

Plusieurs associations œuvrent sur le territoire pour alerter face aux dangers de dérives sectaires, mais aussi pour aider les victimes. C'est le cas notamment de l'Union Nationale des Associations de Défense des Familles et de l’Individu (UNADFI), présidée par Catherine Katz.

UNADFI
Union nationale des Associations de défense des Familles et de l’Individu victimes de Sectes. Centre d’accueil, d’étude et de documentation sur les mouvements sectaires

Le compte Twitter du Centre de cartographie et d'étude des croyances est très dense - voire désordonné - mais permet de se rendre compte de l'incroyable présence des sectes ou apparentées partout en France. On y découvre notamment les nombreuses mentions de mouvements sectaires dans la presse quotidienne régionale.

On vous conseille enfin le livre de Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre, Le Nouveau péril sectaire, paru en 2021 aux éditions Robert Laffont. Un livre d'enquête passionnant et très documenté sur les multiples formes que peut revêtir l'emprise.

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Timothée Vinchon Twitter

Rédacteur et cofondateur de Rembobine - Journaliste indépendant - Formateur en éducation populaire aux médias