🎓 L'apprentissage, poule aux œufs d'or des fonds d'investissement #23

Ça y est : après de nombreuses heures passées à échanger derrière écrans interposés, cette deuxième édition de Rembobine concoctée tout à la fois par Simon Gleize, Timothée Vinchon et Cécile Massin est fin prête ! Au menu : un décryptage des infos qui ont fait la une il y a un an, des exploits de Kylian Mbappé à la grève des médecins libéraux, mais aussi l'impact d'une enquête de Marie Piquemal, qui a enquêté pour Libération sur la façon dont la formation en apprentissage est devenue un marché lucratif.

De quoi vous donner du grain à moudre, espère-t-on, en attendant la prochaine newsletter, qui revient... dès la semaine prochaine ! Car oui, qui dit nouvelle équipe dit nouveaux formats et à partir de décembre, on vous propose non plus une newsletter toutes les deux semaines, mais une par semaine... En attendant, n'hésitez pas à transmettre la newsletter à vos proches.

🍿 De quoi parlait-on il y a un an ?

Quelle était l'actualité il y a un an ? Était-ce un feu de paille ou au contraire un battement d'aile de papillon qui a déclenché une tornade ?

⚽ Vu et revu — Que l'on soit fan du ballon rond ou non, impossible d'avoir raté, début décembre 2022, la victoire de la France face à la Pologne lors de la Coupe du monde. Des médias sportifs à la presse locale, on ne savait plus très bien où donner de la tête face aux exploits du « king » national, Kylian Mbappé. De quoi nous faire (presque) oublier que le tournoi de football le plus suivi au monde se déroulait au Qatar, charriant son lot d'atteintes aux droits humains et à l'environnement que nombre d'associations et ONG continuent à dénoncer sans relâche. Nous en avions d'ailleurs fait un fil Twitter.

🩺 Le choix de la rédaction — Mis à la une de la Croix le 1er décembre 2022, le système de santé français apparaît fatigué, pour ne pas dire malade. L'hiver 2022 sera marqué par la conjonction des épidémies de Covid-19, de bronchiolite et de grippe et sera le théâtre d'un important mouvement de protestation des médecins libéraux. Ces derniers demandaient notamment une hausse du tarif des consultations, alors fixé à 25 euros, afin d'"embaucher du personnel", "retrouver une médecine plus humaine avec plus de temps pour les patients" et "redonner envie aux jeunes médecins de s'installer".

Un premier mouvement de protestation suivi par un second, entre fin décembre 2022 et janvier 2023, et qui se poursuit jusqu'à aujourd'hui. En octobre de cette année, les médecins libéraux se sont à nouveau mis en grève, demandant la réouverture des négociations tarifaires avec l'Assurance maladie, dans un contexte où une augmentation du tarif des consultations (26,5 euros) a été actée.

🎸 Le pas de côté — Ah, Johnny. Quoi de mieux qu'une icône française pour faire la une des journaux les jours de disette ? C'est en tout cas le choix fait le 3 décembre 2022 par Le Maine Libre, revenant sur les livres, documentaires et contenus TikTok dédiés à l'artiste.

Le moulin à paroles 🤌

Une déclaration qui a pris beaucoup de place dans l'espace médiatique

L'annonce avait fait du bruit. Alors qu'à l'hiver dernier, les risques de coupure d'électricité étaient grands, Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse et des sports, avait confirmé le 1er décembre 2022 que si des coupures venaient à toucher des zones dans lesquelles se trouvaient des établissements scolaires, les cours seraient annulés le matin.

Sans surprise, les réactions ne s'étaient pas faites attendre de la part des syndicats enseignants, qui n'avaient caché ni leur inquiétude ni leur agacement. « On a l’impression de revivre l’improvisation et les bricolages qu’on avait connus avec la gestion du Covid », réagissait notamment Stéphane Crochet, secrétaire général du SE-UNSA.

Et après ? ⏭️

Alors que l'hiver dernier a été marqué par un contexte de tension énergétique très élevé, notamment du fait de la guerre en Ukraine, les risques de coupure d'électrique devraient cet hiver être « faibles », a assuré RTE, gestionnaire du réseau de transport d'électricité français. Les coupures de courant ciblées (ou « délestages ») ne devraient donc pas être actionnées.

Si la situation venait à évoluer et que les écoles étaient impactées, ce serait certainement à Gabriel Attal d'en faire part aux parents d'élèves et enseignants, Pap Ndiaye ayant, lui, quitté ses fonctions au ministère de l'Éducation en juillet dernier.

💥 En quête d'impact

Scandale d'un jour ou impact pour toujours ?

Apprentissage dans le supérieur : les dérives d’une «réforme open bar»

L'enquête de Libération, menée par Marie Piquemal, révèle comment l'apprentissage, soutenu par le gouvernement et salué comme une initiative bénéfique, est devenu un marché lucratif pour des acteurs financiers exploitant les failles d'une loi peut-être trop généreuse. Marie Piquemal est journaliste au pôle investigation de Libération. Ancienne du pôle éducation, elle enquête au long cours sur les dérives de l'enseignement supérieur depuis plusieurs années.

Apprentissage dans le supérieur : les dérives d’une «réforme open bar»

Dopée par un dispositif promis par Emmanuel Macron dès 2017, l’alternance profite à certaines entreprises qui y voient une main-d’œuvre peu chère et à des centres de formation qui s’organisent pour mieux profiter du système.

LibérationMarie Piquemal

De 300 000 contrats d'apprentissage fin 2018 à plus de 800 000 en 2022. Le contrat parfait... pour les bénéficiaires ou pour les fonds d'investissement ? Avec des dépenses atteignant 11,3 milliards d'euros rien qu'en 2021, l'apprentissage est devenu un terrain propice à l'expansion des organismes de formation privés détenus par des fonds d'investissement. L'investigation remonte à 2018, lorsque la réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage est lancée sous l'impulsion du président Macron. La loi n'avait pourtant pas reçu l'aval financier de Bercy, et aucune évaluation de soutenabilité financière n'a été effectuée. Le déficit de 5,9 milliards d'euros en 2022, révélé par la Cour des comptes, met en évidence l'absence de dispositifs de contrôle.

L'enquête s'appuie sur des rapports publics et des témoignages directs, dévoilant un système où l'argent public destiné à la formation des jeunes devient une source de profit pour ces investisseurs. Marie Piquemal met en lumière le désarroi de ceux qui travaillent au sein de ces structures financières, témoignant des dérives qui nuisent aux étudiants et à la qualité de leur formation.

L'impact de l'enquête 🎯

Un an après, l'apprentissage est-il toujours le filon parfait pour les fonds d'investissements ? Des mécanismes de contrôles ont-ils été mis en place ? D'autres médias se sont-ils emparés de cette question ? Rembobine vous propose une visualisation de l'impact de l'enquête.

Elle est inspirée de la méthodologie qu'a utilisée Disclose pour son rapport d'impact 2022. Rendez-vous sur le site pour comprendre ce qui peut être inclus dans ce tableau.

Les coulisses de l'enquête 🕵️‍♀️

Depuis plusieurs mois, Marie Piquemal documente pour Libération l'incursion des groupes privés dans l'enseignement supérieur et les bouleversements que cela provoque.

Dans notre rubrique Coulisses de l'info, elle explique pour Rembobine pourquoi les sujets à propos de l'éducation ont parfois moins de couverture au long cours que dans d'autres domaines, l'importance de porter le sujet dans le débat public et ce que son enquête raconte plus largement de nos services publics menacés par le privé.

Bonjour Marie, peux-tu nous expliquer pourquoi tu as décidé de travailler sur l'apprentissage ?

Je n'étais pas partie pour enquêter sur ce sujet. Ce que j'avais repéré après un papier en 2018 sur Parcoursup, c'est que des tas de jeunes, par défaut d'orientation claire, partaient passer des concours de nouvelles écoles de tout type qui n'existaient pas auparavant. Ça m'avait intriguée et mis la puce à l'oreille. J'ai fait plusieurs papiers sur l'enseignement privé.

Un autre élément fondateur, c'est le rapport de la Cour des comptes de juin 2022 qui a mis en lumière le coût très élevé de l'apprentissage pour les finances publiques. Avec la réforme, plein d'organismes ont proposé la formule. Ceux-ci sont doublement gagnants : un élève en entreprise, c'est moins de temps à l'école, et surtout le réservoir de candidats a été décuplé depuis que c'est payé par l'Etat.

... Retrouvez la suite de l'interview sur le site !

« L’apprentissage a été dévoyé, les fonds d’investissement ont flairé le bon filon »

Marie Piquemal, autrice de l’enquête de Libération sur le marché lucratif qu’est devenu l’apprentissage pour les fonds d’investissement nous explique son investigation et l’importance de porter ce sujet dans le débat public.

Rembobine, le média qui lutte contre l'obsolescence de l'infoTimothée Vinchon

Comment mieux suivre le sujet ? 🧰

Ce fut l'un des points de démarrage de l'enquête de Marie et il regorge d'informations intéressantes : le rapport de la Cour des comptes « La Formation en alternance : une voie en plein essor, un financement à définir ». Les publications de la juridiction financière sont souvent de très bons points d'appui pour des investigations car ils mettent des chiffres sur des phénomènes.

La formation en alternance

Les juridictions financières ont examiné les effets de la réforme de l’alternance lancée en 2018. Un rapport public thématique, accompagné de cinq cahiers régionaux, analyse l’essor de l’apprentissage, soutenu par les aides du plan ♯1jeune1solution, ses conséquences financières majeures et les point…

Cour des comptes

Vous pouvez également lire le Policy Brief « Apprentissage : un bilan des années folles » de l'économiste Bruno Coquet. Il revient sur les raisons du succès spectaculaire du dispositif auprès des jeunes, des employeurs et des organismes de formation. Il fournit une évaluation comptable détaillée de son coût, puis interroge son efficience et sa soutenabilité pour les finances publiques. Le chercheur est l'une des personnalités les plus attentives au évolutions du dossier. Vous pouvez le suivre via son blog Voilà le Travail ou sur les réseaux sociaux.

L'équipe s'agrandit et s'active dans tous les sens !

Avec l'équipe, on a décidé de ne pas se précipiter. Ou plutôt, de consolider nos bases. On s'est concerté pour définir nos objectifs et les ambitions que nous avons pour le média. On ne révolutionne rien, mais clairement on se sent plus fort quand on marche dans la même direction. On a abouti à nos valeurs et nos missions. Vous pouvez les retrouver sur la page À propos du site. On espère que vous, fidèles lecteur·rices, serez également en accord avec ce que nous voulons développer.

On attend vos retours !

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