Femmes à abattre : enquête sur les féminicides politiques

Femmes à abattre : enquête sur les féminicides politiques

« Féminicide politique ». Un terme encore peu connu et qui concerne pourtant des centaines de femmes politiques, chercheuses, journalistes, activistes à travers le monde qui sont tuées parce qu’elles sont des femmes et qu’elles portent un combat. Une dizaine de journalistes du collectif Youpress a enquêté sur ce crime encore très peu investigué.

© Photo illustration Juliette Robert – Youpress

Il a fallu au collectif trois années pour enquêter sur ce sujet. Résultat : une série d’articles publiés sur Mediapart, une BD en partenariat avec La Déferlante ainsi qu’une newsletter. Pourtant, ce projet d'investigation collectif a démarré de presque rien tant le concept de féminicide politique en est à ses prémices. Deux data journalistes de l’équipe, Rouguyata Sall et Hélène Molinari, ont constitué la première base de données recensant les noms de femmes victimes de meurtres politiques genrés. Elles ont recensé  287 meurtres de femmes dans 58 pays et 82 ont été caractérisés comme des féminicides politiques.

Pour établir s’il s’agit bel et bien de féminicides politiques, les journalistes du collectif ont interrogé des chercheuses autrices d’un article sur le sujet intitulé How is Political violence gendered ? Disentangling Motives, Forms, and Impacts. C’est à partir de cet article et de discussions avec des ONG et des avocat·es qu’elles ont pu établir les critères à partir desquels classer les différents meurtres en féminicides politiques. Parmi ces critères, les trois principaux sont : l’intention, la façon dont elles ont été tuées et l’impact du meurtre dans la société.

Femmes à abattre
« Femmes à abattre », c’est la première enquête internationale sur les féminicides politiques. Un crime qui consiste à tuer une femme pour la cause qu’elle défend mais aussi parce qu’elle est une fem…

Mediapart est l'un des partenaires de l'enquête du collectif Youpress.

Le collectif a voulu aller au-delà des chiffres en donnant le nom de ces femmes assassinées et en rappelant leurs combats. Juliette Robert, la photographe de Femmes à abattre, s’est occupée de toutes les illustrations et a pu mettre des visages sur le nom des victimes. L’enquête a été mise en forme dans une BD pour La Déferlante où l’on peut retrouver les histoires de ces femmes.

Ce que l’on apprend aussi durant l’enquête, c’est que si certaines meurent en étant connues, beaucoup aussi sont assassinées avant même d’avoir atteint la partie visible de la sphère publique. L’enquête montre aussi que les féminicides politiques font partie d’un continuum de violences dont le meurtre est le mécanisme de silenciation ultime. Il est très souvent précédé par des menaces, des insultes et du cyber harcèlement qui ne sont donc pas à prendre à la légère.

Quel impact pour l'enquête "Femme à abattre" ?

Un an après la publication de l’enquête internationale Femmes à abattre, des mesures ont-elles été prises pour qualifier ces crimes ? De nouvelles recherches sur le sujet ont-elles été lancées ? Les médias se sont-ils emparés du sujet ?

Rembobine vous propose de découvrir l'impact de l'enquête, d'après une méthodologie inspirée du média d'investigation Disclose et de son rapport d'impact. Rendez-vous sur le site pour comprendre ce qui peut être inclus dans ce tableau.

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IMPACT MÉDIATIQUE ✔️
- Lorsque l’enquête est sortie, elle a eu un écho médiatique important. Elle a été reprise par de très nombreux médias (TV5 monde, Causette, Blast, RTB, Radio France…) en plus des partenaires Mediapart, La Déferlante et Axelle magazine.
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IMPACT PUBLIC ✔️
- Depuis la publication de l’enquête, « tous les mois on a au moins quelqu’un qui nous contacte pour parler de Femmes à abattre » indiquent Leila Miñano et Sophie Boutboul. Des rencontres et tables rondes sont régulièrement organisées autour de ce sujet d’actualité.

- L’enquête a reçu une mention spéciale dans la catégorie Visa d’or de l’information numérique au festival Visa pour l’image.

- De nombreuses ONG ont suivi la parution de l’enquête et l’ont relayée comme les ONG AWID, HRD ou encore Frontline defenders qui continuent à suivre le sujet de près et ont pu nourrir leurs propres recherches.
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IMPACT INSTITUTIONNEL ❌
- Pour le moment l'intégration même du terme féminicide a été exclu par le législateur français. « Alors "féminicide politique", peut-être dans plusieurs décennies ? », s’interroge Leila Miñano.
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IMPACT JUDICIAIRE ❌
- À ce jour, et comme le rappellent les autrices de l'enquête, aucune condamnation pour féminicide politique n’a été reconnue. Comme pour les féminicides conjugaux, le chemin est encore long pour que cette réalité soit reconnue pénalement. « Le combat des avocats peut aussi permettre de continuer à porter ces voix et de donner des grandes décisions judiciaires », expliquent Leila Miñano et Sophie Boutboul.

- « Il n'y a pas d'avocat·e qui s'est servi de ça pour qualifier en féminicide. Pour l'instant, en tout cas. Mais on espère qu'un jour, ça viendra. Et si on a réussi à faire naître ce concept, c'est vraiment chouette », indiquent les journalistes.

Les coulisses de l'enquête sur les féminicides politiques


Sophie Boutboul et Leila Miñano, journalistes du collectif Youpress, ont accepté de répondre aux questions de Rembobine sur les coulisses de leur enquête. Elles racontent comment le collectif a patiemment construit une base de données pour documenter les féminicides politiques , l'importance du travail avec des partenaires de la société civile et le nécessaire travail sur le long cours.

... Pour lire l'interview 👇

“On voulait regarder ces assassinats pour ce qu’ils sont : des féminicides politiques”
Femmes à abattre est une enquête collaborative d’une dizaine de journalistes du collectif Youpress sur les féminicides politiques. Sophie Boutboul et Leila Miñano, ont accepté de répondre aux questions de Rembobine sur les coulisses de leur enquête.

Comment suivre et approfondir le sujet des féminicides politiques ?

On l'a mentionné dans les impacts, mais on vous la conseille vivement : le collectif fait vivre son enquête à travers une newsletter qui parait tous les mois. Dans la dernière édition, la data journaliste Rouguyata Sall explique une donnée qui l’a particulièrement marquée dans l'enquête : celle de l’"overkill". Allez vous abonner pour tout comprendre à ce terme.

Plusieurs ONG portent ce combat, directement ou indirectement. Certaines, comme AWID ou HRD Memorial ont aidé à la construction de la base de données, d'autres ont une action de plaidoyer et constitue de véritables centres de ressources. On vous conseille aussi de consulter la "newsroom" de l'ONG Coalition for Women in Journalism qui surveille et documente les violations de droit commises à l'encontre des journalistes femmes et LGBTQ+ dans plus de 128 pays.

Newsroom — Coalition For Women in Journalism
The Coalition For Women In Journalism is a global support network for women in journalism. We pioneered mid-career mentorship program that supports women journalists in growth and safety.

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