🛢️ Accusations de pollution et cas de cancer : les ravages de Total au Yémen #32

Salut les Rembobineur·euses !

À l'heure où l'on publie cette newsletter, certains d'entre vous profitent peut-être des vacances de printemps pour prendre quelques jours de repos et d'ensoleillement, et comme on vous comprend ! De notre côté, l'heure n'est pas au farniente. Au contraire : on vous prépare tout un tas de nouveaux projets dont on a hâte de vous parler.

Mais d'ici là, revenons à nos affaires. Cette semaine, on vous embarque à la découverte d'une enquête passionnante qui a beaucoup fait parler d'elle il y a un an... Si on vous dit Total, pollution, scandale, ça vous dit quelque chose ? Et si on rajoute Yémen et Quentin Müller, vous voyez où on veut en venir ? Allez, on rembobine !

Si la newsletter vous a été transférée et que vous souhaitez vous abonner, c'est par ici.

L'enquête : Les ravages de Total au Yémen

Le 20 avril 2023, Le Nouvel Obs publie l'enquête de Quentin Müller « Yémen. Les eaux noires de Total ». Le reporter y détaille les pollutions majeures dont TotalEnergies s'est rendu responsable au Yémen, causant des ravages considérables tant sur l'environnement que sur la santé de milliers de Yéménites. Le photographe Mattia Velati a accompagné le journaliste.

Les eaux noires de Total, révélations sur des pollutions majeures au Yémen

En exploitant pendant vingt ans un bassin pétrolier situé dans l’est du pays, le géant français s’est rendu responsable d’une série de pollutions, qui affectent l’environnement et la santé de milliers de Yéménites. « L’Obs » a enquêté sur place, en s’appuyant sur des dizaines de documents exclusifs. Ce reportage publié en avril qui vient de remporter le Grand Prix Varenne de la presse magazine.

Le Nouvel ObsQuentin Müller

Dans la région de l'Hadramaout où se concentre l'enquête, le géant pétrolier a exploité un bassin pétrolier pendant près de 20 ans, de 1996 à 2015. Une exploitation située à l'est de ce pays de la péninsule arabique, dont le fonctionnement a impliqué des « installations archaïques, totalement hors des standards sécuritaires et environnementaux », ainsi qu'une « gestion désinvolte des déchets générés par l'extraction du pétrole ».

Plutôt que de construire une usine pour traiter les eaux toxiques issues des activités pétrolières, la filiale yéménite du groupe français (Total E&P Yemen) a par exemple choisi de stocker ces eaux dans des bassins directement creusés dans le sol et équipés de simples bâches en plastique. Une méthode de stockage « archaïque » et « dangereuse », notamment à cause de la boue « concentrée en radioactivité, très toxique » qui se formait après l'évaporation des eaux et qui était ensuite balayée par la pluie et le vent, s'étalant dans la vallée sur des centaines de kilomètres. Sans compter le fait que, selon un ingénieur yéménite, certaines eaux toxiques auraient par ailleurs été enfouies dans des puits d'évacuation, induisant un risque de contamination des nappes phréatiques. En 2008, enfin, un pipeline de la multinationale a explosé, polluant la vallée.

Ces pratiques, loin d'être sans conséquence, ont très lourdement impacté cette région où les terres agricoles sont aujourd'hui dévastées. Les cas de cancer explosent. Dans le district de Sah par exemple, on comptabilise « en moyenne 200 nouveaux cas de cancer par an », à l'image d'Adam, 6 ans au moment de la publication de l'enquête, qui a développé un cancer du cerveau peu après sa naissance. Son visage - à découvrir dans l'article - capturé par le photographe Mattia Velati, pourrait symboliser à lui seul les ravages que Total a provoqué dans cette région, loin des projecteurs.

💥 En quête d'impact

Un an après la publication de l'enquête du Nouvel Obs, la multinationale a-t-elle revu ses pratiques ? De nouvelles procédures ont-elles été mises en œuvre pour mieux contrôler les activités des compagnies pétrolières ? La société civile s'est-elle emparée de la question ?

Rembobine vous propose de découvrir l'impact de l'enquête, d'après une méthodologie inspirée du média d'investigation Disclose et de son rapport d'impact. Rendez-vous sur le site pour comprendre ce qui peut être inclus dans ce tableau.

Les coulisses de l'enquête 🕵️‍♀️

Quentin Müller est journaliste-reporter. Il est devenu rédacteur en chef adjoint du service international de Marianne en juillet 2023, après avoir travaillé pendant 10 ans en tant que journaliste indépendant. Pour Rembobine, il revient sur son amour pour ce pays peu connu de la péninsule arabique, les difficultés d'y enquêter et les suites qu'il entend donner à son travail.

... Pour lire l'interview 👇

“Le sujet de Total au Yémen n’est pas clôt”

Quentin Müller est journaliste-reporter. Auteur de l’enquête publiée par le Nouvel Obs en avril 2023 « Yémen. Les eaux noires de Total », il revient sur son amour pour ce pays peu connu de la péninsule arabique, les difficultés d’y enquêter et les suites qu’il entend donner à son travail.

Rembobine, le média qui lutte contre l'obsolescence de l'infoCécile Massin

Comment mieux suivre le sujet ? 🧰

Derrière la communication bien huilée de la compagnie pétrolière, comprendre les agissements de Total au Yémen demande de prendre le temps de se pencher en profondeur sur le sujet.

Et pour ça, on ne peut que vous conseiller l'émission que Paloma Moritz a consacré au sujet. Dans une interview d'une quarantaine de minutes, la journaliste de Blast donne la parole à Quentin Müller et à Thomas Bart, un chercheur indépendant qui enquête sur les droits humains et le climat. Ensemble, ils reviennent sur les conséquences de la présence de Total au Yémen, mais aussi sur les projets de la compagnie pétrolière en Ouganda et en Tanzanie.

Pour celles et ceux qui souhaitent creuser le sujet et en apprendre plus sur le travail de Quentin Müller au Yémen, ce dernier écrit régulièrement sur la situation du pays pour Marianne, où il travaille désormais. Parmi les articles à lire, un article particulièrement intéressant, paru en mai 2023, retrace comment Total a payé des paysans yéménites pour qu'ils retirent la plainte qu'ils avaient déposé contre la compagnie pétrolière.

Mickaël Correia, journaliste climat à Mediapart, est sans doute celui qui a le plus écrit sur Total. Auteur, de Criminels climatiques. Enquête sur les multinationales qui brûlent notre planète à La Découverte, où ils dressent le portrait des plus gros pollueurs de la planète, il vient de publier Le Mensonge Total, Enquête sur un criminel climatique au Seuil. Il décrit dans ce livre l’arsenal des stratagèmes déployés par le fleuron industriel français pour continuer à nous submerger d’énergies fossiles en soignant son image.

Et pour les plus curieux·ses qui veulent faire un pas de côté, on vous renvoie vers les sites des Amis de la terre et de Reporterre pour comprendre le nouveau projet de Total en Ouganda et en Tanzanie, qui entend y construire le plus long oléoduc chauffé du monde : 1 443 kilomètres, soit l’équivalent d’un Paris-Budapest. Rien que ça.

Sur ce, on vous laisse cogiter à toutes les façons possibles de se mobiliser contre Total et on vous dit à la semaine prochaine pour le retour de Rembobine dans vos boîtes mails ! D'ici là, si vous aimez cette newsletter, n'hésitez pas à nous faire un retour par mail ou sur les réseaux sociaux. Sinon, transmettez-la à un·e ami·e et n'hésitez pas à en parler autour de vous ! C'est pour le moment le meilleur moyen de nous soutenir ! 💌