
« Nous voulions aider nos lecteurs à comprendre les enjeux d'encadrement des loyers et les éclairer dans leurs choix »
Catherine Joie est une journaliste d'investigation indépendante belge, collaborant régulièrement avec le magazine Médor et d'autres médias. Elle a signé l'enquête Bruxelles Rentière.
Dans son interview, la journaliste partage les coulisses de son enquête : le choix stratégique du moment de publication, sa collaboration approfondie avec le chercheur Hugo Périlleux, et l'importance de rendre l'information accessible pour que le public saisisse pleinement les enjeux du marché locatif bruxellois.
Bonjour Catherine, qu'est-ce qui t'a initialement motivée à explorer le mythe des « petits propriétaires à la retraite » dans l'enquête « Bruxelles Rentière » ?
Le gouvernement bruxellois sortant avait amorcé une discussion sur le logement et l'encadrement des loyers, donc notre enquête ne surgissait pas de nulle part. Il est intéressant de réfléchir au moment opportun pour une enquête. Certaines ouvrent le débat, d'autres accompagnent ou examinent un processus institutionnel ou législatif en cours. Ici, nous étions entre les deux : la question de l'encadrement des loyers étaient présente dans le débat politique, mais pas au centre. En tant que média d’information, nous voulions aider nos lecteurs et lectrices à comprendre les enjeux et les éclairer dans leurs choix.

Comment s'est déroulée la collaboration avec le chercheur Hugo Périlleux pour dresser un portrait précis des propriétaires bruxellois ?
L’enquête est essentiellement une vulgarisation de sa thèse. Son travail est depuis longtemps une référence pour quiconque, notamment en politique, souhaite réfléchir à l'encadrement des loyers. Il est sollicité pour des recommandations publiques, invité à de nombreuses conférences et tables-rondes. Notre rôle a été de rendre son travail accessible à ceux qui ne sont pas familiers avec le jargon du logement. Hugo est très satisfait que son travail soit repris par un média d’enquête. Dans « Bruxelles Rentière », de nombreux liens permettent de télécharger sa thèse, et il a constaté une augmentation notable des téléchargements.
Chez Médor, cela nous a même amenés à réfléchir à notre transparence envers les lecteurs. Hugo figure dans les crédits au même titre que les autres. Indiquer une collaboration avec un universitaire n'est pas une pratique journalistique courante, ni familière pour Médor. Mais ici, Hugo est une source privilégiée qui nous a fourni la matière et nous a accompagnés. C'est un travail d'équipe où chacun apporte son expertise : Hugo avec ses données et connaissances, Karim avec sa mise en récit web exceptionnelle, et moi-même avec mon écriture journalistique.
Est-ce important que ton enquête soit véritablement utile aux locataires concernés par cette problématique ?
Je ne sais pas si elle est utile, mais j’aime que l’information soit claire et non dissimulée. Je n'apprécie pas de lire un récit narratif de dix pages pour éventuellement comprendre quelque chose. Je cherche toujours la "ligne droite la plus courte" entre le lecteur et l’information. Si, en plus, cela peut outiller des gens, tant mieux.

Redécouvrez l'enquête de Catherine et ses conséquences sur la société grâce à la mesure d'impact de Rembobine !
Récemment, j’ai vu une vidéo Instagram où une femme parlait de son cas et exprimait sa colère avec notre article en arrière-plan. C'est un excellent exemple de ce que nous avons cherché à accomplir en termes de communication. Nous voulions une approche sobre : un titre clair, des chiffres précis, une information hautement accessible pour que les gens s'en emparent. Plutôt que d'intégrer les récits de locataires et les injustices qu’ils vivent dans l'article, c'est le lectorat qui l'a fait en partageant sur les réseaux sociaux, ce qui est encore plus puissant.
Avec le recul, comment évalues-tu l'impact de ton enquête ?
Pour notre précédente enquête Bruxelles Malade, mon collègue Esteban avait minutieusement identifié, avant la publication, les députés, les associations environnementales et de santé, afin de faire parvenir l’enquête aux bonnes personnes. Nous souhaitions faire de même pour Bruxelles Rentière, mais finalement, cela n'a pas été nécessaire. L'enquête a circulé d'elle-même. La première vague de communication sur Instagram a suffi pour que l'enquête décolle en quelques heures. Le lendemain de la publication, Nawal Ben Hamou, alors secrétaire d'État au logement de la Région de Bruxelles-Capitale, a déclaré sur son compte Twitter que c’était « la lecture du jour ». Pour nous, le travail était accompli : nous avions atteint la personne mandatée pour réguler les loyers.
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