
Le marché locatif bruxellois, une machine à rentes pour les plus aisés
En février 2024, Médor, média coopératif belge indépendant, s’est penché sur le marché locatif de la capitale belge dans son enquête Bruxelles Rentière.
Cette enquête, fruit d’une superbe collaboration entre la journaliste Catherine Joie, le data designer Karim Douieb, le photographe Colin Delfosse et surtout le chercheur Hugo Périlleux, économiste et géographe à l’Université de Louvain-Bruxelles, s’appuie sur les travaux de ce dernier pour analyser le marché locatif privé bruxellois et son rôle dans l’accentuation des inégalités sociales.
Et déconstruit un mythe tenace : celui des « petits propriétaires à la retraite » qui mettraient en location un unique bien pour compléter leur maigre pension.
⏳ Comprendre l'enquête en 30 secondes
→ L’enquête Bruxelles Rentière, publiée par le média belge Médor, analyse comment le marché locatif privé bruxellois, non régulé, accentue les inégalités en enrichissant une minorité de propriétaires bailleurs tandis que les locataires s’appauvrissent encore et toujours sous la pression des loyers en constante augmentation.
💥 Et son impact en encore moins de temps !
→ Publiée quelques mois avant un scrutin régional, elle a servi de point d'appui à des débats publics et permis de vulgariser les enjeux des discussions politiques sur la régulation des loyers et la justice sociale dans la capitale belge.
Quand le logement devient une rente plutôt qu’un droit
Grâce à des données inédites issues du cadastre et d'autres sources publiques, l’enquête met en lumière le profil des propriétaires bailleurs et le mécanisme d’extraction de la rente locative, en expliquant comment les loyers excessifs enrichissent une minorité tout en appauvrissant la majorité des locataires.

L'article introductif est en accès libre, les autres volets de l'enquête sont exceptionnellement offert par Médor aux lecteur·rices de Rembobine et on les en remercie.
L’enquête révèle que 54 % des Bruxellois sont locataires sur un marché privé non régulé, où les loyers augmentent bien plus vite que les revenus. La majorité des logements loués appartiennent à des particuliers (et non à de grandes entreprises), souvent propriétaires de deux à cinq biens en moyenne. Ces bailleurs, en majorité des personnes aisées âgées de 45 à 70 ans, bénéficient souvent d’une rente locative sur des logements amortis depuis longtemps.
L’étude montre également une forte inertie du marché immobilier : les logements sont anciens, souvent mal isolés, et la part de logements sociaux demeure dérisoire face à une demande toujours croissante. Enfin, alors que Bruxelles fait face à une crise aiguë du logement, la régulation des loyers est longtemps restée bloquée par des divergences politiques, laissant les locataires dans une situation de précarité croissante.
💥 En quête d'impact
Un an après la publication de l'enquête de Médor, les pratiques des propriétaires bailleurs ont-elles évolué ? Des réformes législatives ou réglementaires ont-elles été proposées ou adoptées ?
Rembobine vous propose de découvrir l'impact de l'enquête, d'après une méthodologie inspirée du média d'investigation Disclose et de son rapport d'impact. Rendez-vous sur le site pour comprendre ce qui peut être inclus dans ce tableau.
→ Le lendemain de la publication, Nawal Ben Hamou, secrétaire d'Etat au logement à la Région de Bruxelles-Capitale a partagé l’article de Médor sur X en disant que c’était la lecture du jour.
→ La question de l’encadrement des loyers fut l’un des principaux enjeux de la campagne électorale en vue du scrutin régional de juin 2024. « Ce n’est pas l’enquête qui a mis le sujet à l’agenda, elle a permis aux lecteurs et lectrices de bien comprendre les enjeux, d’être vigilant et les a aidés à faire leur choix », explique la journaliste Catherine Joie.
→ Depuis le 1er novembre 2024, la Région bruxelloise a instauré de nouvelles règles pour encadrer les loyers des baux de courte durée. Le travail et les données d’Hugo Périlleux sont l’une des ressources qui ont permis d’aboutir à cela.
→ Une nouvelle proposition d'ordonnance a été déposée en janvier 2025 pour renforcer l'encadrement des loyers en s'appuyant sur la grille indicative des loyers. Elle suscite des débats, notamment de la part du Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires (SNPC), qui craint une réduction de l'offre de logements à Bruxelles.
→ Il n’y a pas eu de reprises dans d’autres rédactions nationales. Des journalistes de ces rédactions ont cependant appelé la journaliste Catherine Joie pour lui signifier qu’ils avaient lu le papier. « Si notre travail permet aux autres rédactions d’avoir de meilleurs informations et chiffres sur le sujet, c’est super. »
→ Le média Axelle Mag a interviewé deux expertes sur la situation des femmes, mal loties, dans ce contexte et cite l’enquête.
→ Le Stuut, site coopératif et indépendant d'infos et de luttes à Bruxelles et aux alentours a repartagé l’enquête sur les réseaux militants.
→ L’enquête n’avait pas pour ambition d’avoir des impacts judiciaires.
→ Dans un contexte plus large, en janvier 2025, la commission paritaire locative de la Région de Bruxelles a reconnu son premier cas de loyer abusif, posant ainsi les bases d'une régulation plus stricte du marché locatif.
→ En septembre 2024, le collectif « Midis partagés » s’est servi de l’enquête pour interpeller les représentant·es de formations politiques à Molenbeek alors en campagne électorale.
→ Plus largement, de nombreux collectifs d’habitant·es impliqués dans le droit au logement s’en sont saisi.
Les coulisses de l'enquête 🕵️♀️
Dans son interview, la journaliste Catherine Joie partage les coulisses de son enquête : le choix stratégique du moment de publication, sa collaboration approfondie avec le chercheur Hugo Périlleux, et l'importance de rendre l'information accessible pour que le public saisisse pleinement les enjeux du marché locatif bruxellois.

Des ressources pour mieux suivre le sujet ? 🧰
Vous commencez à connaître la rengaine à force de nous lire. Constater le problème, c'est bien. Agir, c'est mieux. Médor, toujours à la pointe de l'innovation journalistique, a évidemment pris les devants et a élaboré un article boîte-à-outils en 10 questions/réponses pour aider les locataires bruxellois dans leurs échanges avec les bailleurs. Un outil essentiel.
L’émission La brique et le pavé sur Radio Panik est un must ! Elle décrypte avec finesse les mécanismes qui façonnent nos espaces de vie et outille les luttes pour un logement accessible. Du rôle des loyers à la financiarisation des villes, chaque épisode apporte un éclairage précieux sur les dynamiques.

Et pour une perspective plus globale, découvrez l'enquête européenne Cities for Rent qui décrypte comment la financiarisation de l'immobilier affecte les villes du monde entier.
Lecteur·rices, citoyen·nes...Vous avez le pouvoir de renforcer l'impact du travail des journalistes !
1. Partagez l'article sur vos réseaux sociaux et avec votre entourage pour sensibiliser un public plus large aux enjeux du marché locatif bruxellois et d'ailleurs.
2. Engagez-vous auprès d'organisations qui œuvrent pour le droit au logement et la protection des locataires, en offrant votre temps, vos compétences ou des dons.
3. Initiez ou participez à des débats publics, des ateliers ou des forums communautaires pour échanger des idées et imaginer des solutions.
4. Restez informés, soutenez Médor (même sans être à Bruxelles, promis leurs incroyables articles vous raviront !) et la presse indépendante pour un journalisme d'investigation de qualité.
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