
L'impact n'est pas réservé aux médias d'enquête : pourquoi The Conversation France commence à mesurer le sien
Média axé sur la vulgarisation de la pensée scientifique, The Conversation France a récemment commencé à mesurer son impact pour comprendre comment ses articles nourrissent le débat public.
On associe souvent la mesure de l’impact aux médias d’enquête, ceux qui publient des révélations et veulent prouver que leur travail change les choses. Pourtant, d’autres types de médias commencent aussi à s’y intéresser. C’est le cas de The Conversation France, qui, sans faire d’investigation a récemment mis en place un dispositif pour évaluer son influence.
Fondé en Australie en 2011, The Conversation a depuis été décliné aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Indonésie, au Canada, en Espagne et depuis 2015 en France. L’objectif du média ? Nourrir et éclairer le débat public, la fameuse « conversation ». Consacrés à la vulgarisation de propos d’experts universitaires et de la recherche, « les articles sont écrits par des chercheurs puis réécrits et vulgarisés par des journalistes », explique Tatiana Kalouguine, chargée du projet impact au sein du bureau parisien.
Depuis quelques mois, c’est elle qui est chargée de mesurer l’impact de la version française du média, suivant la voie des versions australiennes, américaines et britanniques qui mesurent déjà les retombées de leurs travaux depuis quelques années. « Ce modèle se prête bien à l'impact, même si ce n'est pas un média d'investigation », explique Tatiana. Le 8 janvier 2025, elle a publié le premier rapport d’impact de la rédaction française. Ce qu’elle va identifier comme impact, c’est ce que la publication d’un article change concrètement pour les chercheur·ses et expert·es qui y contribuent. Être cité dans un autre média, invité à une conférence, auditionné par des parlementaires ou des organismes publics… Autant de signes que leurs travaux ne restent pas confinés au monde académique, mais trouvent un écho.
Non pas un mais deux rapports d’impact !
Tatiana a d’abord mis en place des outils de veille adaptés à leur mission et à leur travail particulier de co-rédaction de journalistes avec des universitaires en plusieurs parties. Tout d’abord, un formulaire. « On a un questionnaire qui est envoyé automatiquement aux chercheurs, pour leur poser des questions sur les répercussions de leur article », précise Tatiana. Cet envoi est automatisé dans le fonctionnement même du CMS (Content Managing System) sur lequel ils éditent et publient leurs articles. Ensuite, ce sont les journalistes qui remontent des impacts qu’ils repèrent. Enfin, un travail de veille numérique, en partie automatisée a été mis en place : recherches Google, Wikipedia, Google Scholar, et un outil payant qui retrouve les citations de chercheurs dans des documents législatifs, Overton.

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Résultat : « À la suite de leurs articles, 44 chercheurs ont été invités à donner des conférences publiques et 22 ont été auditionnés par le Parlement ou par des organisations nationales et internationales en 2024. Certains ont été contactés par des organisations ou responsables politiques (70), des think tanks ou des ONG (28), des collègues enseignants (26), des entreprises (24) ou par d’autres chercheurs (94). » raconte le rapport. Après la partie chiffrée, on découvre 11 histoires d’impact marquantes sous un format laissant plus de place au “story telling”.
Tatiana a publié un deuxième rapport d’impact plus exhaustif en février.« Il y a tout ce qu'il y a dans le premier et je rajoute la partie recherche et collaboration entre chercheurs mais aussi partenariat entre chercheurs et entreprises pour développer des produits. » Alors que le premier rapport d’impact s’adressait au grand public, ce second volet vise un public différent. La cible : les chercheurs eux-mêmes, habitués aux formats plus longs, mais surtout les centres de recherche qui financent The Conversation France à hauteur de 70% de son budget total. The Conversation France adapte ainsi la présentation de son impact en fonction de son modèle économique. « On essaye vraiment de réfléchir au public que l’on vise dans toutes les étapes de notre travail, » conclut Tatiana.
L’engagement de The Conversation France autour de l’impact ne s’arrête pas à ces deux rapports annuels. Tatiana prévoit d’autres travaux : « On va suivre l’impact régulièrement et faire des articles sur notre site. L’idée, c’est que progressivement, on installe dans l'esprit de nos lecteurs qu'on a une véritable mission d'utilité publique. »
Avec sa démarche, le média de vulgarisation scientifique montre que la mesure de l’impact ne suit pas un modèle unique. Dans son cas, l’important est de peser sur le débat public en diffusant des connaissances, en influençant les discussions publiques et scientifiques, et en rendant des expertises plus accessibles. Mesurer son impact n’est définitivement pas réservé aux médias d’investigation. Il s’agit avant tout d’adapter la méthode et les formats à sa ligne éditoriale, son public et son modèle économique.
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