Jobs en 3 clics ou la précarité ubérisée
Certain·es étudiant·es seront peut-être un jour tenté·es de se trouver un petit job pour financer leurs études. Mais attention, comme le révélait Emma Bougerol dans son enquête en septembre 2022, ces boulots d'appoint ne résistent pas à l'ubérisation.
Ce que révèle l'enquête sur les applis de jobs étudiants
Les plateformes telles que StaffMe, Manners, et Student Pop agissent comme intermédiaires pour mettre en relation des étudiants et de jeunes travailleurs avec des employeurs. Problème : ces travailleurs, souvent jeunes, sont considérés comme des indépendants, ce qui les prive de certaines protections sociales et les fragilise face au droit du travail. Malgré les controverses autour de cette pratique, certaines de ces plateformes bénéficient d'une forme de soutien gouvernemental, tandis que des actions en justice sont en cours pour requalifier le statut de ces travailleurs et garantir leurs droits.
Travailleur de supermarché, de stations de test Covid, d’entreprises de démarchage téléphonique… Au bout du fil, de l’écouvillon ou du transpalette, ces travailleurs indépendants ont été recrutés par l’intermédiaire de plateformes du travail uberisé, des agences d’intérim pour « auto-entrepreneurs » et « indépendants » où la prestation sans quasiment de cotisations – et donc une protection sociale affaiblie – remplace le salaire. StaffMe, Manners ou encore Student Pop sont toutes nées en 2016. Ces plateformes de « mise en relation » se chargent de trouver des travailleurs indépendants pour des missions à durée variable, d’une journée à plusieurs mois. Elles empochent au passage une commission d’environ 20 % du paiement.
💥 Pour découvrir les coulisses de l'enquête, rendez-vous sur l'interview d'Emma Bougerol ⬇️
Un an après, quel a été l'impact de l'enquête ?
Rembobine vous propose une visualisation de l'impact de l'enquête de Basta! douze mois après sa parution. Elle est inspirée de la méthodologie qu'a utilisée Disclose pour son rapport d'impact 2022. Rendez-vous sur le site pour comprendre ce qui peut être inclus dans ce tableau.
- Un dirigeant de StaffMe a été auditionné, comme témoin dans la Commission d’enquête relative aux révélations des Uber files : l’ubérisation, son lobbying et ses conséquences (lien).
- En France, Bruno Retailleau (LR) a proposé un projet de loi pour créer un tiers statut, hybride entre salarié et indépendant, avec des droits allégés (lien)
- La Commission européenne a proposé une directive en décembre 2021 visant à faciliter l'accès des personnes travaillant via une plateforme au statut professionnel légal correspondant à leurs modalités de travail réelles. Le Conseil s'est positionné sur cette proposition le 12 juin 2023 (lien).
- Les reprises dans les médias nationaux ont été peu nombreuses. En octobre, Emma Bougerol était reçue par Arrêt sur Images pour tenter de comprendre pourquoi on en parlait si peu (lien).
- StaffMe est présent dans les médias, notamment dans Le Figaro Etudiant avec des articles réguliers du type "Les 10 jobs étudiant les mieux payés en France". Du publi-reportage qui interroge (lien).
- En janvier 2023, StaffMe, a été condamnée par le Tribunal des Prud'hommes, avec son client, un glacier : à verser 7 000 euros à Prism'Emploi, l'association professionnelle des acteurs de l'intérim et à re-qualifier le contrat de l'auto-entrepreneur qu'elle avait délégué. StaffMe et son client ont été condamnées en sus pour un total approchant les 30 000 euros (lien).
- Plusieurs sociétés du même type ont été acquises par des grands groupes d'intérim, séduits par les offres tarifaires, sans trop se poser la question de la viabilité du modèle. Mais plusieurs de ces services rencontrent des difficultés légales et financières (lien).
Comment mieux suivre le sujet de l'ubérisation du monde du travail ?
C'est qu'il est difficile de se passer de ces services qui nous offrent tout et n'importe quoi en un clic. Mais il faut se saisir du problème. Car derrière, ce sont souvent les plus précaires qui trinquent. Heureusement, il existe de plus en plus de ressources pour comprendre tout ça et de nombreuses personnes à suivre.
Les travaux de la commission d’enquête parlementaire consacrée aux "Uber Files" permettent d'avoir une vue globale sur l'étendue de l'uberisation, les imbrications politiques et les enjeux sociaux. En plus, ils confirment les informations révélées en juillet 2022 par la cellule investigation de Radio France. La commission dénonce une proximité étroite entre Uber et Emmanuel Macron qui s’est poursuivie après son élection à la présidence de la République.
Vous pouvez suivre Kevin Mention sur Facebook. C'est l'avocat incontournable des "uberisés". Fiscaliste de formation, il est devenu le défenseur incontournable des coursiers Deliveroo, chauffeurs Uber, gérants de boutiques Nicolas… Inlassablement, il combat la fausse indépendance. Il a aidé à la réalisation de cette newsletter.
Le Collectif des livreurs autonomes de Paris, cofondé par Jérôme Pimot, ancien livreur à vélo pour des plateformes de restauration devenu militant anti-ubérisation. En région, il existe aussi des collectifs équivalents, à l'image de Coursiers autonomes de Bretagne (CAB), qui regroupe plus de 200 livreurs à Rennes.
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