💰 Haïti, la sale rançon de l'indépendance #19

Timothée Vinchon
Timothée Vinchon

Connaissez-vous l'histoire captivante et dramatique de la dette haïtienne que le New York Times a remis en lumière en mai 2022 ? Acclamée par la profession, cette enquête, fruit d'une coopération entre journalistes et historiens, invite à explorer un chapitre méconnu de notre passé et nous questionne sur le présent. Un cas unique où un peuple qui a gagné sa guerre d'indépendance se voit obligé d'indemniser l'ancien pays colonisateur en écopant d'une dette évaluée à deux à trois fois de son PIB.

Cette enquête aide-t-elle à transformer la perception de notre passé colonial ? Aurons-nous un jour l'histoire de la dette haïtienne dans nos manuels scolaires ? Peut-elle être le catalyseur d'une quête de justice financière envers les anciennes colonies ? Bonne lecture !

🙏
Vous êtes 1031 abonné·es à Rembobine ! Merci de votre fidélité et bienvenue aux nouveaux et nouvelles !
Rembobine est un jeune média indépendant. Il ne vit que grâce à vos partages et vos retours. Né d'ateliers d'éducation aux médias où l'on disait « les journalistes en font des caisses sur un sujet, et la semaine d'après, on en parle plus », il tente de montrer que le journalisme peut avoir de l'impact sur la société. N'hésitez pas à partager ce mail à vos ami·es, vous êtes les meilleur·es ambassadeur·drices 💌

Cet e-mail vous a-t-il été transféré ? Abonnez-vous par ici !

🍿 De quoi parlait-on il y a un an ?

Quelle était l'actualité il y a un an ? Vous en rappelez-vous ?

À la une de l'actu fin mai :

🎒 Tout va bien — Urgences hospitalières en galère, pénuries de professeurs, le modèle social français part en cacahouète. Depuis, pas d'améliorations prévues, malgré des promesses de salaires en hausse. On explore aussi les alternatives comme les « visioprofs », expérimentés en Lorraine.

🎡 Bingo — Drôle de remaniement, entre l'étonnante arrivée de Pap Ndiaye à l'éducation qui fait bondir les racistes, et Amélie de Montchalin, ex-cadre de BNP Paribas, banque européenne championne du financement du pétrole et du gaz, nommée à la Transition écologique. Battue aux législatives, elle quittera le gouvernement fin juin.

🔫 Triste banalité — Une actualité qu'on pourrait malheureusement vous rappeler trop souvent. Fin mai, 21 personnes ont été tuées dans une fusillade dans une école au Texas. Selon les données de Gun Violence Archive, l'année 2022 aux États-Unis s'est terminée avec un total de plus de 620 fusillades lors desquelles au moins quatre personnes ont été blessées ou tuées.

💥 En quête d'impact

À la racine des malheurs d'Haïti : les réparations envers les esclavagistes

Le 20 mai 2022, le New York Times a publié une série multimédia intitulée "La Rançon". Elle révèle au grand public occidental le pillage subi par Haïti de la part de la France et des États-Unis après que le pays ait gagné son indépendance. En 1825, sous la menace d'une attaque, la France a exigé cinq paiements annuels de 30 millions de francs (soit six fois les revenus d'Haïti à l'époque). Incapable de payer une telle somme, Haïti a été contraint de contracter des prêts auprès de banques françaises, dont le CIC. Un véritable fardeau pour un pays riche en ressources naturelles, qui n'aura de ce fait jamais décoller économiquement.

L'article met en évidence la double dette imposée à Haïti, des réparations exigées par les anciens maîtres français et un prêt subordonné à ces réparations. L'endettement a été amplifié lors de l'occupation militaire américaine, suggérée par Wall Street, de l'île entre 1915 et 1934. Les politiciens et fonctionnaires haïtiens sont également pointés du doigt pour leur implication dans ces pratiques financières néfastes. Enfin, autre élément nouveau apporté par cette enquête : le témoignage d’un ancien ambassadeur français, Thierry Burkhard, qui vient éclairer le possible rôle de la France dans un coup d’État à Port-au-Prince, en 2004.

À la racine des malheurs d’Haïti : des réparations aux esclavagistes

Le 1er article de la série du New York Times ⬆️

Nous sommes ravis d'accueillir le journaliste du New York Times Constant Méheut en tant qu'invité spécial dans cette édition de la newsletter. Avec Catherine Porter, Matt Apuzzo et Selam Gebrekidan, ils ont travaillé une année durant à la réalisation de cette enquête.

Pourquoi s'être intéressé à ce dossier historique ?

Constant Méheut : Ma collègue Catherine Porter suit de près l'actualité d'Haïti depuis le séisme de 2010. En tant que correspondante, elle s'est toujours demandé pourquoi ce pays était si pauvre malgré les efforts internationaux. Les réponses généralement fournies par la couverture médiatique se concentrent sur la pauvreté, la violence des gangs et les catastrophes naturelles. Ces facteurs sont indéniablement importants, mais ils occultent une partie de l'histoire qui pourrait expliquer en partie la situation économique actuelle d'Haïti : cette dette de l'indépendance.

L'assassinat du président Moïse en 2021 a renforcé notre volonté, en tant que journal, de mettre en lumière cette histoire méconnue en France, en dehors des cercles d'historiens et d'économistes spécialistes du pays. Nous avons ressenti l'importance de mener une véritable enquête approfondie pour évaluer l'impact potentiel de cette dette sur le développement économique à long terme.

Notre objectif était de susciter une prise de conscience plus large et de contribuer à une compréhension plus approfondie de l'histoire complexe d'Haïti. Nous voulions explorer comment cette dette a pu influencer les trajectoires économiques et politiques du pays. Cette enquête nous a permis de mettre en évidence les liens entre l'histoire coloniale, les pratiques financières prédatrices et les conséquences durables sur l'économie haïtienne. Le calcul exact des sommes payées et leur coût à long-terme est pour moi le scoop de l'enquête. Aucun historien ou économiste n'avait jamais fait cela. C'est un sujet qui mérite d'être connu et discuté au-delà des cercles spécialisés.

C

Cet article est réservé aux abonnés

S’abonner

Vous avez déjà un compte? Se connecter