« Les chasseurs, c’est un lobby qui a pris une place absolument exponentielle »
Aline Robert est journaliste et spécialiste des questions économiques et environnementales. Elle est notamment la première, dès 2009, à découvrir et enquêter sur le "casse" qui a frappé le marché du CO2. En 2023, c'est aux subventions accordées aux chasseurs qu'elle s'est intéressée.
Après plus de dix ans dans la presse économique dans des titres comme La Tribune et EurActiv, la journaliste a rejoint la rédaction de L'Informé. Pour Rembobine, elle revient sur la mission de ce nouveau média dont elle fait partie, ainsi que les défis spécifiques que représentent des sujets aussi sensibles que la chasse et les enjeux économiques et politiques qui s’y rattachent.
L'Informé est encore relativement nouveau pour beaucoup. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce média, sa ligne éditoriale et la manière dont il se distingue dans le paysage médiatique actuel ? Qu’est-ce qui vous a attiré ?
Ce qui m’a attiré chez L’Informé, c’est la promesse de ne sortir que des informations exclusives, des informations pas vues ailleurs et qui sont nécessaires au débat public éclairé et informé : on est un peu dans le cœur du journalisme, on veut apporter de la transparence aux citoyen·nes. On a de très jeunes journalistes comme des journalistes chevronnés, et on partage toutes et tous une méthode et des techniques d’enquête pour faire de l'investigation sur l'économie. C'est un enjeu crucial !
La chasse est un sujet complexe et parfois sensible. Quels sont les obstacles et difficultés que l’on rencontre sur ce sujet ?
C’est un sujet clivant, donc sur les réseaux sociaux, il peut y avoir des réactions épidermiques. Politiquement aussi, on se rend compte qu’une partie de la population va plus répondre qu’une autre et essayer de me décrédibiliser. Ça n'a pas vraiment d’impact sur mon travail, ça fait partie des risques du métier. Honnêtement, à mon avis, ça n'a vraiment pas d'importance par rapport aux impacts positifs que ça peut avoir. Les réactions à mon article mais aussi à celui de Radio France et Capital ont montré que c’est un sujet qui préoccupe les citoyen·nes. C’est bien que l’Office Français de la Biodiversité (OFB) s’en rende compte. Les Français·es et les journalistes ont aujourd'hui connaissance du sujet et seront maintenant vigilant·es à la façon dont les fonds seront attribués dans le futur.
Avez-vous observé des réactions spécifiques de la part des lecteurs, du public ou des institutions ?
Je suis toujours assez surprise de voir comment le sujet chasse est défendu et favorisé par la classe politique et dans une visée électoraliste par certains partis. En France, on a un vrai problème de collusion entre la classe politique et le lobby de la chasse. Ce sujet de l’éco-contribution, ce n’est pas un sujet anecdotique, ce ne sont pas juste deux ou trois tétras-lyres qui vont disparaître... C'est notre rapport au monde, notre façon d'habiter la terre qui est en jeu. Et c’est aussi un vrai problème de gouvernance : on questionne la gestion de l’argent de l’Etat. Certains projets de l'éco-contribution ne semblent pas servir l'intérêt général, mais le pénaliser au contraire. Détruire une espèce d'oiseau, c'est une perte tellement considérable que les économistes ne parviennent pas à la chiffrer...
Pourquoi ce type d'enquête est important aujourd'hui ?
La chasse, c’est un lobby qui a pris une place absolument exponentielle par rapport au nombre de personnes concernées par cette activité. D’après les décisions politiques, on serait collectivement d’accord pour leur accorder des jours de chasse où eux-seuls peuvent aller en forêt, on est d’accord pour leur accorder des subventions assez substantielles… Mais l’est-on vraiment ? Je ne suis pas sûre que tous les Francais·es soient d’accord avec cette approche. Et si on leur accorde ça, il faut qu’il y ait de la transparence et de la surveillance pour que le citoyen sache effectivement ce qu’il se passe.
C’est un sujet qui pose quand même un certain nombre de questions à la fois sur le respect du vivant, la façon dont on traite les animaux et la façon dont ils sont chassés, mais aussi la sécurité et notre rapport à ce bien commun qu'est la forêt. Y-a-t-il un consensus pour que cet espace soit accaparé par la vision des chasseurs ?
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