
Atlas, le réseau qui pave la voie à l’extrême droite
L’enquête d’Anne-Sophie Simpere pour l'Observatoire des Multinationales révèle comment le réseau Atlas, une alliance internationale de think tanks ultraconservateurs, déploie en France des stratégies pour influencer le débat public et faire basculer le climat des idées.
Vous les entendez partout : l’État coûte trop cher, l’écologie va trop loin, les “assisté·es” sont trop nombreux, les libertés sont menacées par la justice sociale… Ces discours, devenus familiers, façonnent l’air du temps. Et pourtant, on peine à comprendre comment ces idées, autrefois marginales, ont gagné autant de terrain. Et si ce n'était pas un hasard mais le fruit d’une stratégie délibéré d'acteurs clairement identifiés ? L'année dernière, la journaliste Anne-Sophie Simpere a publié pour l’Observatoire des multinationales un rapport très éclairant sur le réseau Atlas, une galaxie de think tanks ultraconservateurs bien décidée à déplacer (à droite toute) le centre de gravité des idées. Un an après, on s’est penché sur ce que ce travail a permis, provoqué ou révélé.
⏳ Comprendre l'enquête en 30 secondes
→ L’enquête d’Anne-Sophie Simpere pour l'Observatoire des Multinationales révèle comment le réseau Atlas, une alliance internationale de think tanks ultraconservateurs, déploie en France des stratégies pour influencer le débat public et faire basculer le climat des idées.
💥 Et son impact en encore moins de temps !
→ Bien que sans suites institutionnelles ou judiciaires, elle a connu un fort retentissement médiatique, a servi de base stratégique à des acteurs militants et suscité des droits de réponse systématiques de la part d'organisations mises en cause.
Le réseau Atlas, la France et l’extrême-droitisation des esprits
En mai 2024, Anne-Sophie Simpere publie le rapport Le réseau Atlas, la France et l’extrême-droitisation des esprits pour l’Observatoire des multinationales. Elle y documente l’influence du réseau Atlas, un consortium fondé aux États-Unis dans les années 1980, qui fédère aujourd’hui plus de 500 think tanks dans le monde, avec pour objectif assumé de transformer le climat idéologique.
En France, cinq structures sont identifiées comme partenaires : l’Ifrap, Contribuables associés, l’Institut économique Molinari, l’IREF (Institut de recherche économique et fiscal) et l’Institut de formation politique. Ces organisations diffusent des idées libertariennes et conservatrices, notamment sur la fiscalité, les services publics, l’écologie ou les droits sociaux.
Ce rapport de plus de 80 pages détaille les stratégies déployées par le réseau pour influencer les débats publics : formations de cadres politiques, production de tribunes « prêtes à publier », campagnes coordonnées sur les réseaux sociaux, ou encore influence dans les médias et auprès d’élus. On y découvre aussi les liens internationaux de ces structures, leurs sources d’inspiration américaines, et les outils de lobbying qu’elles mobilisent à l’échelle européenne.

Si vous souhaitez comprendre comment certaines idées s’installent dans le paysage médiatique et politique sans faire de bruit, ce rapport est une mine d’or. Plongez-y : vous y trouverez des faits, des noms, des méthodes et sans doute de nouvelles questions à poser.
💥 En quête d'impact
Un an après la publication de l’enquête de l'Observatoire des multinationales sur le réseau Atlas, les think tanks visés ont-ils été contraints à plus de transparence ? Des responsables politiques ont-ils demandé des comptes ?
Rembobine vous propose de découvrir l'impact de l'enquête, d'après une méthodologie inspirée du média d'investigation Disclose et de son rapport d'impact. Rendez-vous sur le site pour comprendre ce qui peut être inclus dans ce tableau.
→ L’enquête n’a suscité que peu de réactions dans le champ politique. Aucun parti ni élu n’a publiquement repris ses conclusions ou demandé des suites institutionnelles. Pour Anne-Sophie Simpere, cependant, « il y aurait peut-être des choses à dire en termes de transparence, notamment sur la déclaration des lobbys. »
→ L’enquête a suscité un fort impact médiatique auprès des rédactions indépendantes en France. Elle a été reprise par plusieurs médias comme Reporterre, StreetPress, Basta! ou Au Poste.
→ L’impact ne s’est pas limité à la presse indépendante : Anne-Sophie Simpere a été l'invitée de l’émission Récits d'enquête de Mattéo Caranta sur France Culture où il revient chaque semaine sur une enquête qui vient de paraître et qui fait l’actualité.
→ Elle a fait l’objet d’un important relais sur YouTube, notamment à travers l’émission Rhinocéros, de Usul et Lumi sur Blast qui a cumulé près de 600 000 vues et d’autres vulgarisateurs.
→ L’enquête a connu un prolongement à la fin de l’année 2024 avec plusieurs articles de Lora Verheecke et Olivier Petitjean publiés sur l'Observatoire des multinationales, explorant l’influence du réseau Atlas dans les cercles de lobbying à Bruxelles.
→ Chaque publication dans des médias des informations de l’enquête sur le réseau Atlas a été suivie systématiquement de droits de réponse, notamment de la part de la directrice de la fondation iFRAP, qui a fermement contesté tout lien avec le réseau et insisté sur l’indépendance financière et politique de son organisation.
→ L’enquête n’a donné lieu à aucun développement judiciaire, ni plainte, ni poursuite à ce jour.
→ L’enquête a une utilité de base documentaire pour des ONG. « Tel argument ou telle stratégie, on peut montrer que ça vient d’organisations similaires et affiliées au réseau Atlas aux États-Unis ou ailleurs. Ça peut les aider dans leur plaidoyer », selon la journaliste.
→ Anne-Sophie Simpere a présenté son travail à des groupes militants à gauche. Selon elle, il peut être utile pour les mouvements dans une logique de compréhension stratégique « pour comprendre les outils et stratégies qu’utilisent leur ennemi. »
🕵️♀️ Les coulisses de l'enquête
L'autrice de ce rapport, Anne-Sophie Simpere est une journaliste d’investigation spécialisée dans les droits humains, les libertés publiques et les mécanismes d'influence. Juriste de formation, elle a travaillé pour plusieurs ONG internationales telles qu'Amnesty International France, Médecins du Monde ou Oxfam France. Elle collabore avec des médias indépendants comme Basta! et l'Observatoire des multinationales, où elle a mené des enquêtes sur les ventes d'armes, les violences policières ou encore la surveillance de masse.
Dans son interview à Rembobine, la journaliste revient sur les coulisses de son enquête, explique comment elle a découvert ses ramifications françaises, pourquoi il est si difficile d’en parler dans le paysage médiatique actuel, et comment ces idées ont peu à peu infusé dans le débat public.

🧰 Pour mieux suivre le sujet
Anne-Sophie Simpere vous conseille vivement le livre Dark Money de Jane Mayer (en anglais uniquement). Ce livre-enquête, best-seller aux États-Unis, retrace comment une poignée de milliardaires américains, au premier rang desquels les frères Koch, ont méthodiquement financé et structuré un écosystème de think tanks, de fondations, d’universités et de médias pour peser sur la vie politique américaine.
En France, vous pouvez également lire (ou relire) l'article de l'Humanité qui présentait en juillet 2024 la méthode du milliardaire Pierre-Édouard Stérin pour porter le RN au pouvoir grâce au projet Périclès.

Lecteur·rices, citoyen·nes...Vous avez le pouvoir de renforcer l'impact du travail des journalistes !
1. Prenez le réflexe de vérifier qui sont les “expert·es” invité·es sur les plateaux télé : d’où parlent-ils ou elles, et qui les finance ?
2. Relayez l’enquête autour de vous, notamment à celles et ceux qui s’intéressent à la montée de certaines idées sans savoir d’où elles viennent.
3. Faites connaître ce rapport à vos élu·es locaux·ales pour exiger plus de transparence sur les financements des think tanks.
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