« Avec tous les articles qui ont été faits sur le mal-logement étudiant, comment est-ce qu'on peut toujours en être là en 2024 ? »
Lisa Noyal est journaliste indépendante. Spécialiste du monde du travail et des discriminations, elle a réalisé un état des lieux des problèmes de logements Crous pour les étudiant·es à la rentrée 2023.
Dans son interview à Rembobine, Lisa Noyal, qui collabore notamment avec Streetpress, Basta! et le Média, revient sur la difficulté à faire entendre la voix des étudiant·es, l'aggravation de leurs conditions de logement d'années en années, et le deux poids deux mesures au sein des logements Crous quand il s'agit de reconnaître leur insalubrité.
Le sujet des logements étudiants revient sur le tapis à chaque rentrée universitaire. Pourquoi avez-vous décidé de vous y intéresser ?
À la base, c'était une commande de StreetPress. On a tous en tête les photos qui, à chaque rentrée, circulent sur des logements universitaires insalubres, avec des cafards, des traces de moisis. Ce qu'on voulait faire, c'est partir de ces situations connues pour creuser et développer les différents problèmes auxquels sont confronté·es les étudiant·es en logement Crous à travers la France. On n'a pas été déçu... Il y avait des problèmes plutôt évidents, comme le manque de place ou l'insalubrité, mais aussi d'autres qui l'étaient moins comme l'arrivée des résidences universitaires privées ou le manque de personnel. Ces thématiques, elles sont vraiment ressorties grâce aux échanges que j'ai eus avec de très nombreux étudiant·es, que j'ai réussi à contacter via des groupes Facebook d'étudiant·es, des syndicats étudiants, ou tout simplement grâce au bouche-à-oreille.
Découvrez l'enquête de Lisa et la mesure d'impact effectuée par Rembobine un an après sa publication dans StreetPress :
Comment expliquez-vous le fait que le sujet soit traité chaque année et qu'il y ait pourtant peu d'avancées ?
Chaque année, il y a des articles sur les difficultés d'accès au logement des étudiant·es, et notamment à propos des problèmes dans les logements Crous. Et pourtant, rien ne bouge. Plus grave, la situation s'empire. Je lisais récemment qu'à la rentrée 2024, des étudiant·es dormaient dans des Airbnb, d'autres dans des auberges de jeunesse ou des mobil-homes. Ça n'a aucun sens et c'était déjà le cas il y a plusieurs années. Pourtant les solutions, on les connaît. Il faudrait plus de moyens, des ouvertures de chambres qui soient conséquentes, une vraie volonté politique en somme, mais on en est loin. Surtout que le problème, quand on parle de ces conditions dégradées, c'est que ça a évidemment un impact lourd sur la santé physique et mentale. Certains étudiant·es, pour pouvoir se loger, disent par exemple accepter de manger moins... Avec tous les articles qui ont été faits sur le sujet, comment est-ce qu'on peut toujours en être là en 2024 ?
Cet été, des policiers missionnés pour les Jeux olympiques (JO) ont été relogés après avoir déploré l'insalubrité des logements Crous dans lesquels ils devaient être hébergés. Comment avez-vous réagi à cette annonce ?
Comme beaucoup, j'ai complètement halluciné. Pour certaines personnes comme ces policiers, non seulement on accepte de constater que ces logements sont insalubres, mais on trouve des solutions, alors que pour les étudiant·es, on ne fait rien. C'est un deux poids, deux mesures qui, je pense, a du être particulièrement violent pour les étudiant·es. Surtout, ça montre que lorsqu'il y a une volonté politique, des solutions existent.
Dans votre enquête, vous soulignez que suite à de fortes mobilisations estudiantines, certains Crous ont fini par fermer. Faut-il en arriver là pour que les étudiant·es soient entendu·es des décideurs politiques ?
Ce qui est sûr, c'est que certaines mobilisations paient puisque effectivement, des Crous ont fermé par le passé. Certains coups de pression fonctionnent à force d'acharnement, de mails à la direction, de revendications. Mais c'est désolant de voir qu'il faut autant insister juste pour pouvoir vivre dans des conditions un tant soi peu dignes. Ça devrait être normal, mais la route est longue. De mon côté, je vais continuer à garder un œil sur le sujet, c'est certain, parce qu'il y a fort à parier que dans les prochaines années, il y ait encore beaucoup de choses à dire.
Retrouvez l'enquête originale de Lisa publiée dans StreetPress en septembre 2023 :
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