
Accidents du travail, quand la justice regarde ailleurs #55
Salut les Rembobineur·euses,
Le travail occupe une place immense dans nos vies. Il façonne nos journées, nos corps, nos trajectoires, parfois nos blessures. Alors comment se fait-il que les injustices qui s’y jouent, les morts et les silences qui les entourent, ne soient pas les plus grands scandales de notre époque ? Cette semaine, on revient sur une enquête essentielle de Rue89 Lyon : celle de Pierre Lemerle et Franck Verjus, qui a mis au jour l’inaction judiciaire face aux accidents du travail. Un an après sa publication, on en analyse l’impact. Et on salue le courage de celles et ceux qui continuent de documenter ce phénomène.
Bonne lecture,
Timothée et l'équipe de Rembobine
⏳ Comprendre l'enquête en 30 secondes
→ À Lyon, près de 75 % des procès-verbaux dressés par l’inspection du travail après des accidents sont ignorés ou classés sans suite par le parquet, révélant un désengagement judiciaire systémique.
→ Ce phénomène, loin d’être isolé, traduit selon les syndicats une dépénalisation progressive du droit du travail au bénéfice des employeurs, au détriment des victimes et des agents de contrôle.
💥 Et son impact en encore moins de temps !
→ L’enquête a suscité des réactions institutionnelles indirectes et parfois négatives, comme le retrait d’un outil de suivi interne utilisé par les inspecteurs, suivi d’une promesse floue de création d’un observatoire local.
→ Malgré le silence persistant du parquet, le sujet a nourri des mobilisations syndicales, des tribunes, et une prise de conscience politique partielle, sans changement structurel à ce jour.
Des PV dressés par l’inspection du travail après des accidents graves délaissés par la justice
Entre 2017 et 2022, les inspecteur·rices du travail du Rhône ont transmis plus de 600 procès-verbaux aux services du procureur, souvent pour des manquements graves à la sécurité ayant entraîné des accidents. Rue89 Lyon a obtenu un tableau interne confidentiel de la DDETS (Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités, qui chapeaute l’inspection du travail), révélant que près de 75 % de ces PV ont été classés sans suite ou sont restés sans retour connu. En parallèle, les journalistes ont mené des entretiens avec des inspecteur·rices et syndicalistes et recoupé leurs témoignages avec des données locales et nationales
La lecture de l'enquête vous est exceptionnellement offerte par la rédaction. On les remercie !
L’enquête met en lumière un blocage systémique : même lorsque des inspecteurs du travail relèvent des infraction graves, la justice pénale ne suit pas. Le parquet laisse traîner ou propose des « alternatives aux poursuites », comme les transactions pénales, qui permettent à l’employeur d’échapper à un procès. Cette politique pénale de désengagement crée un sentiment d’inutilité chez les agents de contrôle et laisse les victimes d’accidents du travail sans reconnaissance ni réparation judiciaire.
Si la situation lyonnaise est particulièrement préoccupante, elle n’est pas un cas isolé. Les taux de PV classés tournent autour de 60 % partout en France. L’enquête rappelle que l’observatoire national des suites pénales, mis en place dans les années 2000, a été mis en veille. Pour les syndicats, il s’agit d’un choix politique : une forme de dépénalisation du droit du travail au bénéfice des employeur·ses. L'enquête a été republiée par Mediapart dans le cadre d'un partenariat et incluse dans le dossier "Accidents du travail, ces victimes qu’on ne veut pas voir". Elle participe à la documentation de ce problème de société.

💥 En quête d'impact
Un an après la publication de l’enquête, les parquets traitent-ils avec plus de sérieux les procès-verbaux dressés par les inspecteurs du travail ? L’État a-t-il renforcé les moyens de l’inspection du travail ou mis en place les outils de suivi demandés depuis des années ? Les syndicats continuent-ils à se battre ?
Rembobine vous propose de découvrir l'impact de l'enquête, d'après une méthodologie inspirée du média d'investigation Disclose et de son rapport d'impact. Rendez-vous sur le site pour comprendre ce qui peut être inclus dans ce tableau.
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